Cliquez ici >>> 🎆 au nom du corps vivre sa nature
Larelation Homme-Nature « La matière subjective de l’écopsychologie n’est ni l’humain, ni le naturel, mais l’expérience vécue de l’interrelation entre les deux, que la “nature” en question soit humaine ou non-humaine(1). » Par ces mots, Andy Fisher définit le sujet de l’écopsychologie : la relation homme-nature. Comme toute relation, la relation homme
Terred’harmonie : la détente au naturel. Terre d’Harmonie, Le Soin du corps; Les offres Ressourcement et bien être; Votre spa privatif ; Les Bons cadeaux de Terre d’Harmonie; Ecoles. L’école de cuisine végétarienne; L’Ecole de permaculture; Agence conseil. La conception d’espaces naturels; La permaculture dans les organisations; Contacter
Ladépression est l’abaissement de l’humeur. Un épisode de dépression est caractérisé principalement par une grande tristesse de l’humeur, une perte de l’élan vital et un ralentissement psychique et moteur pendant une durée d’au moins 15 jours. Les symptômes nécessaires au diagnostic du trouble bipolaire sont les suivants :
Ilfigure parmi les plus grands chats domestiques avec ses 30 à 35 cm pour un poids de 3 à 7 kg. Il doit son nom à sa fourrure impressionnante qui évoque celle du léopard du Bengale. Son long corps athlétique, son ossature robuste et sa forte musculature en font un chat fin, élégant et majestueux. S’il déborde d’énergie et s’il
7 Le corps est sans pourquoi. Le corps est sans parce que. suivi de: "à l'écart du noguchisme" 8. "Sans connaissance, sans but, sans technique"? 9. Accepter sa solitude (éloge de l'autonomie de soi et de l'autre: "se nommer soi-même") 10. Résumé concis de ma critique de l'approche du "mouvement régénérateur" 11. Le noguchisme
Site De Rencontre En Afrique Gratuit. Quand on est jeune il ne faut pas remettre à philosopher, et quand on est vieux il ne faut pas se lasser de philosopher. Car jamais il n’est trop tôt ou trop tard pour travailler à la santé de l’âme. Or celui qui dit que l’heure de philosopher n’est pas encore arrivée ou est passée pour lui, ressemble à un homme qui dirait que l’heure d’être heureux n’est pas encore venue pour lui ou qu’elle n’est plus. Le jeune homme et le vieillard doivent donc philosopher l’un et l’autre, celui-ci pour rajeunir au contact du bien, en se remémorant les jours agréables du passé ; celui-là afin d’être, quoique jeune, tranquille comme un ancien en face de l’avenir. Par conséquent il faut méditer sur les causes qui peuvent produire le bonheur puisque, lorsqu’il est à nous, nous avons tout, et que, quand il nous manque, nous faisons tout pour l’avoir. Attache-toi donc aux enseignements que je n’ai cessé de te donner et que je vais te répéter ; mets-les en pratique et médite-les, convaincu que ce sont là les principes nécessaires pour bien vivre. Commence par te persuader qu’un dieu est un vivant immortel et bienheureux, te conformant en cela à la notion commune qui en est tracée en nous. N’attribue jamais à un dieu rien qui soit en opposition avec I’immortalité ni en désaccord avec la béatitude mais regarde-le toujours comme possédant tout ce que tu trouveras capable d’assurer son immortalité et sa béatitude. Car les dieux existent, attendu que la connaissance qu’on en a est évidente. Mais, quant à leur nature, ils ne sont pas tels que la foule le croit. Et l’impie n’est pas celui qui rejette les dieux de la foule, c’est celui qui attribue aux dieux ce que leur prêtent les opinions de la foule. Car les affirmations de la foule sur les dieux ne sont pas des prénotions, mais bien des présomptions fausses. Et ces présomptions fausses font que les dieux sont censés être pour les méchants la source des plus grands maux comme, d’autre part, pour les bons la source des plus grands biens. Mais la multitude, incapable de se déprendre de ce qui est chez elle et à ses yeux le propre de la vertu, n’accepte que des dieux conformes à cet idéal et regarde comme absurde tout ce qui s’en écarte. Prends l’habitude de penser que la mort n’est rien pour nous. Car tout bien et tout mal résident dans la sensation or la mort est privation de toute sensibilité. Par conséquent, la connaissance de cette vérité que la mort n’est rien pour nous, nous rend capables de jouir de cette vie mortelle, non pas en y ajoutant la perspective d’une durée infinie, mais en nous enlevant le désir de l’immortalité. Car il ne reste plus rien à redouter dans la vie, pour qui a vraiment compris que hors de la vie il n’y a rien de redoutable. On prononce donc de vaines paroles quand on soutient que la mort est à craindre non pas parce qu’elle sera douloureuse étant réalisée, mais parce qu’il est douloureux de l’attendre. Ce serait en effet une crainte vaine et sans objet que celle qui serait produite par l’attente d’une chose qui ne cause aucun trouble par sa présence. Ainsi celui de tous les maux qui nous donne le plus d’horreur, la mort, n’est rien pour nous, puisque, tant que nous existons nous-mêmes, la mort n’est pas, et que, quand la mort existe, nous ne sommes plus. Donc la mort n’existe ni pour les vivants ni pour les morts, puisqu’elle n’a rien à faire avec les premiers, et que les seconds ne sont plus. Mais la multitude tantôt fuit la mort comme le pire des maux, tantôt l’appelle comme le terme des maux de la vie. Le sage, au contraire, ne fait pas fi de la vie et il n’a pas peur non plus de ne plus vivre car la vie ne lui est pas à charge, et il n’estime pas non plus qu’il y ait le moindre mal à ne plus vivre. De même que ce n’est pas toujours la nourriture la plus abondante que nous préférons, mais parfois la plus agréable, pareillement ce n’est pas toujours la plus longue durée qu’on veut recueillir, mais la plus agréable. Quant à ceux qui conseillent aux jeunes gens de bien vivre et aux vieillards de bien finir, leur conseil est dépourvu de sens, non seulement parce que la vie a du bon même pour le vieillard, mais parce que le soin de bien vivre et celui de bien mourir ne font qu’un. On fait pis encore quand on dit qu’il est bien de ne pas naître, ou, une fois né, de franchir au plus vite les portes de l’Hadès ». Car si l’homme qui tient ce langage est convaincu, comment ne sort-il pas de la vie ? C’est là en effet une chose qui est toujours à sa portée, s'il veut sa mort d une volonté ferme. Que si cet homme plaisante, il montre de la légèreté en un sujet qui n’en comporte pas. Rappelle-toi que l’avenir n’est ni à nous ni pourtant tout à fait hors de nos prises, de telle sorte que nous ne devons ni compter sur lui comme s’il devait sûrement arriver, ni nous interdire toute espérance, comme s’il était sûr qu’il dût ne pas être. Il faut se rendre compte que parmi nos désirs les uns sont naturels les autres vains, et que parmi les désirs naturels, les uns sont nécessaires et les autres naturels seulement. Parmi les désirs nécessaires, les uns sont nécessaires pour le bonheur, les autres pour la tranquillité du corps, les autres pour la vie même Et en effet une théorie non erronée des désirs doit rapporter tout choix et toute aversion à la santé du corps et à l’ataraxie de l’âme, puisque c’est là la perfection même de la vie heureuse. Car nous faisons tout afin d’éviter la douleur physique et le trouble de l’âme. Lorsqu’une fois nous y avons réussi, toute l’agitation de l’âme tombe, l’être vivant n’ayant plus à s’acheminer vers quelque chose qui lui manque, ni à chercher autre chose pour parfaire le bien-être de l'âme et celui du corps. Nous n’avons en effet besoin du plaisir que quand, par suite de son absence, nous éprouvons de la douleur et quand nous n’éprouvons pas de douleur nous n’avons plus besoin du plaisir. C’est pourquoi nous disons que le plaisir est le commencement et la fin de la vie heureuse. En effet, d’une part, le plaisir est reconnu par nous comme le bien primitif et conforme à notre nature et c’est de lui que nous partons pour déterminer ce qu il faut choisir et ce qu il faut éviter ; d'autre part, c’est toujours à lui que nous aboutissons, puisque ce sont nos affections qui nous servent de règle pour mesurer et apprécier tout bien quelconque si complexe qu’il soit. Mais, précisément parce que le plaisir est le bien primitif conforme à notre nature, nous ne recherchons pas tout plaisir, et il y a des cas où nous passons par-dessus beaucoup de plaisirs, savoir lorsqu’ils doivent avoir pour suite des peines qui les surpassent et, d'autre part, il y a des douleurs que nous estimons valoir mieux que des plaisirs savoir lorsque après avoir longtemps supporté les douleurs, il doit résulter de là pour nous un plaisir qui les surpasse. Tout plaisir, pris en lui-même et dans sa nature propre est donc un bien, et cependant tout plaisir n’est pas à rechercher pareillement, toute douleur est un mal, et pourtant toute douleur ne doit pas être évitée. En tout cas, chaque plaisir et chaque douleur doivent être appréciés par une comparaison des avantages et des inconvénients à attendre, Car le plaisir est toujours le bien, et la douleur le mal ; seulement il y a des cas où nous traitons le bien comme un mal et le mal à son tour comme un bien. C’est un grand bien à notre avis que de se suffire à soi-même, non qu’il faille toujours vivre de peu, mais afin que si l’abondance nous manque, nous sachions nous contenter du peu que nous aurons, bien persuadés que ceux-là jouissent le plus vivement de l’opulence qui ont le moins besoin d'elle, et que tout ce qui est naturel est aisé à se procurer, tandis que ce qui ne répond pas à un désir naturel est malaisé à se procurer. En effet, des mets simples donnent un plaisir égal à celui d’un régime somptueux si toute la douleur causée par le besoin est supprimée, et, d’autre part, du pain d’orge et de l’eau procurent le plus vif plaisir à celui qui les porte à sa bouche après en avoir senti la privation. L’habitude d’une nourriture simple et non pas celle d’une nourriture luxueuse, convient donc pour donner la pleine santé, pour laisser à l’homme toute liberté de se consacrer aux devoirs nécessaires de la vie, pour nous disposer à mieux goûter les repas luxueux, lorsque nous les faisons après des intervalles de vie frugale, enfin pour nous mettre en état de ne pas craindre la mauvaise fortune. Quand donc nous disons que le plaisir est le but de la vie, nous ne parlons pas des plaisirs des voluptueux inquiets, ni de ceux qui consistent dans les jouissances déréglées ainsi que l’écrivent des gens qui ignorent notre doctrine, ou qui la combattent et la prennent dans un mauvais sens. Le plaisir dont nous parlons est celui qui consiste, pour le corps, à ne pas souffrir et, pour l’âme, à être sans trouble. Car ce n’est pas une suite ininterrompue de jours passés à boire et à manger, ce n’est pas la jouissance des jeunes garçons et des femmes, ce n’est pas la saveur des poissons et des autres mets que porte une table somptueuse, ce n’est pas tout cela qui engendre la vie heureuse, mais c’est le raisonnement vigilant, capable de trouver en toute circonstance les motifs de ce qu’il faut choisir et de ce qu’il faut éviter, et de rejeter les vaines opinions d’où provient le plus grand trouble des âmes. Or, le principe de tout cela et par conséquent le plus grand des biens, c’est la prudence. Il faut donc la mettre au-dessus de la philosophie même, puisqu’elle est faite pour être la source de toutes les vertus, en nous enseignant qu il n’y a pas moyen de vivre agréablement si l’on ne vit pas avec prudence, honnêteté et justice, et qu’il est impossible de vivre avec prudence, honnêteté et justice si l’on ne vit pas agréablement. Les vertus en effet, ne sont que des suites naturelles et nécessaires de la vie agréable et, à son tour, la vie agréable ne saurait se réaliser en elle-même et à part des vertus. Et maintenant y a-t-il quelqu’un que tu mettes au-dessus du sage ? Il s’est fait sur les dieux des opinions pieuses ; il est constamment sans crainte en face de la mort ; il a su comprendre quel est le but de la nature ; il s’est rendu compte que ce souverain bien est facile à atteindre et à réaliser dans son intégrité, qu’en revanche le mal le plus extrême est étroitement limité quant à la durée ou quant à l’intensité ; il se moque du destin, dont certains font le maître absolu des choses* ; et certes mieux vaudrait s’incliner devant toutes les opinions mythiques sur les dieux que de se faire les esclaves du destin des physiciens car la mythologie nous promet que les dieux se laisseront fléchir par les honneurs qui leur seront rendus, tandis que le destin, dans son cours nécessaire, est inflexible ; il n’admet pas, avec la foule, que la fortune soit une divinité - car un dieu ne fait jamais d’actes sans règles -, ni qu’elle soit une cause inefficace il ne croit pas, en effet, que la fortune distribue aux hommes le bien et le mal, suffisant ainsi à faire leur bonheur et leur malheur, il croit seulement qu’elle leur fournit l’occasion et les éléments de grands biens et de grands maux ; enfin il pense qu il vaut mieux échouer par mauvaise fortune, après avoir bien raisonné, que réussir par heureuse fortune, après avoir mal raisonné — ce qui peut nous arriver de plus heureux dans nos actions étant d’obtenir le succès par le concours de la fortune lorsque nous avons agi en vertu de jugements sains. Médite donc tous ces enseignements et tous ceux qui s’y rattachent, médite-les jour et nuit, à part toi et aussi en commun avec ton semblable. Si tu le fais, jamais tu n’éprouveras le moindre trouble en songe ou éveillé, et tu vivras comme un dieu parmi les hommes. Car un homme qui vit au milieu de biens impérissables ne ressemble en rien à un être mortel. » * "Il dit ailleurs que, parmi les événements, les uns relèvent de la nécessité, et d’autres de la fortune, les autres enfin de notre propre pouvoir, attendu que la nécessité n’est pas susceptible qu’on lui impute une responsabilité, que la fortune est quelque chose d’instable, tandis que notre pouvoir propre, soustrait à toute domination étrangère, est proprement ce à quoi s’adresse le blâme et son contraire. Scholie.» Traduction de Octave Hamelin. Revue et corrigée par Jean Salem Commentaire I L’auteur 341 av. JC. 270 av. JC. Fondateur d’une école à Athènes en 306 le Jardin. Atteint de la maladie de la pierre, il meurt à 71ans, dans de très grandes souffrances physiques mais avec la sérénité qui sied à un philosophe épicurien. Sur le point de mourir il écrit à Idoménée la lettre suivante Je t’écris, cette lettre au bienheureux dernier jour de ma vie. Mon ventre et mes reins me causent des douleurs indicibles, mais elles sont compensées par la joie que j’éprouve au souvenir de nos discussions… » II Qu’est-ce que la philosophie antique ? A Contingence historique. L’épicurisme appartient à la tradition de la philosophie antique appelée période hellénistique ». Le mot hellénistique » désigne un moment de l’histoire grecque s’étendant du règne d’Alexandre le Grand fin du IV siècle avant JC jusqu’à la domination romaine.fin du 1°siècle On a souvent dit qu’avec la victoire de Philippe le père d’Alexandre à Chéronée en 338 s’achève la grandeur du monde grec. La liberté politique des cités grecques est révolue. Le régime monarchique supplante la démocratie et le grand effort d’un Platon ou d’un Aristote pour former les futurs citoyens perd de son actualité. La philosophie ne peut plus définir une éthique qui soit en même temps une politique. Elle s’attache plutôt à penser une morale de l’individu davantage tournée vers l’intériorité. Hegel, par exemple décrit le moment du stoïcisme comme celui de l’égalité dans l’esclavage. La liberté ne peut plus être conçue comme inscrite dans les institutions d’une cité libre ; elle ne peut l’être que comme liberté intérieure, la seule permettant d’échapper à un prince tout puissant. Le bonheur devient donc, lui aussi, affaire individuelle dans un monde menaçant, voire hostile. Plus question de penser la liberté et le bonheur comme des réalités politiques. C’est très clairement le cas avec l’épicurisme. Epicure choisit de réduire la cité aux dimensions du groupe formé par les amis et vivant à l’écart des autres hommes. Le sage ne fait pas de politique. Cache ta vie » telle est la devise d’Epicure. B Caractéristiques de la philosophie antique. Pour nous un philosophe est un homme de réflexion, généralement un professeur et un écrivain, qui disserte sur des problèmes théoriques ou commente des auteurs. Il peut se réclamer d’une école l’existentialisme, le marxisme, la phénoménologie par exemple mais école signifie tendance doctrinale, position théorique. Il en va tout autrement dans l’Antiquité. L’enseignement philosophique ne fait l’objet d’aucune obligation scolaire. S’adonner à la philosophie relève d’un choix personnel et d’abord du choix d’un certain mode de vie. Tous ceux qui font ce choix s’organisent en communauté. Il faut donc bien préciser avec Pierre Hadot Cf. Qu’est-ce que la philosophie antique ?, les caractéristiques de la philosophie antique. La philosophie se reconnaît à une certaine manière de vivre. Le philosophe est l’homme d’un choix existentiel. Ex choix d’une vie consacrée à la science et à la vertu chez Platon et Aristote. Choix d’une vie exaltant le plaisir pur d’exister chez Epicure. Choix d’une vie en accord avec la nature chez les stoïciens. Ce choix détermine un discours dont la fonction est d’expliciter la vision du monde qui le justifie. La tâche de la théorie consiste à révéler et à fonder cette option existentielle et cette vision du monde. Ce choix ne s’effectue pas dans la solitude. Il n’y a pas de philosophe en dehors d’un groupe, d’une communauté ou d’une école philosophique. Vers la fin du IV siècle, presque toute l’activité philosophique se concentre à Athènes, dans quatre écoles L’Académie fondée par Platon. Le Lycée fondée par Aristote. Le Jardin fondé par Epicure. La Stoa ou le Portique fondé par Zénon de Cittium le stoïcien. Jusqu’à la fin de l’époque hellénistique, il y a coïncidence entre l’école comme tendance doctrinale, l’école comme lieu où l’on enseigne et l’école comme institution permanente organisée par un fondateur qui est à l’origine du mode de vie pratiqué par cette école. III Données bibliographiques. Selon Diogène Laërce auteur du 3°siècle après JC l’œuvre d’Epicure ne comprenait pas moins de 300 titres dont un De la Nature en 37 livres. De cette immense œuvre, il ne nous reste quasiment rien. Les textes dont nous disposons sont ceux que Diogène Laërce restitue dans le livre 10 de ses 10 livres sur les vies et les sentences des philosophes illustres. La lettre à Hérodote qui traite de la physique. La lettre à Pytoclès qui traite des phénomènes célestes. La lettre à Ménécée qui traite de la conduite de la vie. Les maximes principales. Il s’agit de 40 sentences qui sont, sinon d’Epicure, du moins d’un disciple les ayant extraites de ses œuvres. Les sentences vaticanes. Il s’agit de 81 maximes que Wotke découvrit, en 1888, dans un manuscrit de la bibliothèque du Vatican. Après la mort d’Epicure, l’épicurisme se diffusa dans tout le bassin méditerranéen et particulièrement à Rome où avec Lucrèce, il donna naissance à une des plus belles œuvres de la langue latine De rerum natura. La lettre à Ménécée. NB La numérotation du texte est effectuée sur l’édition de La Lettre à Ménécée par Nathan Les Intégrales de Philo. Traduction revue et corrigée Octave Hamelin. Notes et commentaires de Jean Salem. Les lettres qu’Epicure adresse à ses disciples ont toutes pour fonction de donner un résumé de la doctrine complète destiné à leur faire garder suffisamment en mémoire les opinions les plus générales, afin qu’en chaque occasion, sur les questions capitales, ils puissent se venir en aide à eux-mêmes » lit-on dans la lettre à Hérodote. Il s’agit pour les disciples d’avoir toujours présent à l’esprit les principes de la doctrine, afin de ne jamais être pris au dépourvu par les circonstances de la vie et en chaque occurrence d’être capable de penser et d’agir conformément à l’esprit de la philosophie dont on se réclame. Dans la Lettre à Ménécée le maître a pour thème la conduite de la vie. Il résume la morale ou éthique épicurienne. Un éthique définit les règles du bien vivre. PB Qu’est-ce que bien vivre ? I Quelle est la fin de l’existence humaine ? Rappel Les Anciens ne se demandent pas Que dois-je faire ? » mais Quelle est la fin naturelle de tout être », Qu’est-ce qui réalise sa nature dans son excellence ? », Qu’est-ce que les hommes poursuivent comme leur fin propre ? ». Epicure répond le bonheur. Avec le bonheur nous avons tout ce qu’il nous faut et si nous ne sommes pas heureux, nous faisons tout pour l’être ». Lignes Aristote faisait la même constatation mais il remarquait que si tout le monde est d’accord pour faire du bonheur, le bien suprême ou le souverain bien, les divergences apparaissent dès qu’il s’agit de préciser ce que l’on entend par bonheur. II Qu’est-ce que le bonheur ? Epicure répond le bonheur c’est le plaisir. L’épicurisme est un hédonisme en grec plaisir se dit hêdonê. Nous disons que le plaisir est le commencement et la fin de la vie heureuse » Lignes Epicure revendique une philosophie du plaisir ; ce qui sans plus de précision expose à malentendus. L’opinion n’y échappe pas puisqu’elle entend par épicurien » un bon vivant, un jouisseur c’est-à -dire l’homme d’un hédonisme débridé, toujours en quête de plaisirs, aussi excessifs et pervers soient-ils. De son vivant même, Epicure fut l’objet de calomnies contribuant à répandre la fable des pourceaux d’Epicure » se vautrant dans la débauche. Or nous lisons dans la Lettre à Ménécée Quand nous disons que le plaisir est notre ultime but, nous n’entendons pas par là les plaisirs des débauchés, ni ceux qui se rattachent à la jouissance matérielle » Lignes 152 à 155. Ce ne sont pas les beuveries et les orgies continuelles, les jouissances des jeunes garçons et des femmes, les poissons et les mets qu’offre une table luxueuse qui engendrent la vie heureuse » Lignes 159 à 164. PB Pourquoi ce malentendu puisque les textes et la vie même d’Epicure ne recèlent aucune ambiguïté ? Epicure fut un ascète. Vivre content de peu avec une cape de bure, un peu d’eau, du pain, du fromage et entouré d’amis ; telle était la vie dans le Jardin. Sans doute, parce que comme Cicéron l’écrit dans sa réfutation de l’épicurisme le mot plaisir a quelque chose d’odieux, de mal famé, de suspect » Des Fins II, IV, 12 ; il manque de noblesse ». Le préjugé est fort tenace puisqu’on entend encore, dans une époque vouée comme la nôtre au culte du corps, des jugements étonnant sur le plaisir. Tout se passe comme si, l’expérience du plaisir suscitait le fantasme, réveillait un immémorial sentiment de culpabilité, attisait les peurs les plus obscures. L’erreur dont l’épicurisme est l’objet procède en grande partie de cet irrationnel, et lorsque ce n’est pas le cas, il faut, de l’aveu même d’Epicure, invoquer soit la malveillance, soit l’incapacité à comprendre. Lignes 156 à 157. Les affirmations d’Epicure ne sont d’ailleurs pas de nature à éviter le malentendu. -C’est le cas lorsqu’il souligne que le plaisir est par nature plaisir corporel, plaisir de la chair ou du ventre. Selon Athénée fin 2°, début 3°siècle après JC il aurait affirmé Le principe et la racine de tout bien est le plaisir du ventre ». Epicure veut dire que le plaisir est ce qui se ressent. En cette matière comme en toutes les autres l’étalon de mesure est la sensation. Or sentir est une expérience corporelle. Lignes Même quand les plaisirs sont des plaisirs de l’âme, l’expérience dans laquelle ils s’éprouvent est une expérience corporelle. Par exemple, la joie que donne la connaissance de la nature est délivrance des craintes suscitées par les superstitions, en particulier de la crainte des souffrances qui nous attendent dans le monde infernal. Par exemple encore, il y a une joie de l’amitié mais celle-ci est liée à l’assurance de ne pas être abandonné dans la maladie ou la vieillesse. La signification de l’expression plaisir de la chair ou du ventre » est donc très précise. Elle ne consiste pas à exalter les plaisirs de la bouche ou du sexe. Mais c’est ce genre de fantasme qu’engendrent les notions de chair » ou de ventre ». Fantasme ne pouvant que scandaliser si l’on a présent à l’esprit le mépris du corps qu’a pu entretenir le platonisme avec le thème du corps, prison de l’âme » et plus tard le christianisme avec le thème du corps, siège du péché ». Ainsi le mot chair désigne chez St Paul, parmi d’autres acceptions, l’ensemble des concupiscences asservissant l’homme au péché et le vouant à la mort. La chair tend à se révolter contre Dieu…sous l’emprise de la chair on ne peut plaire à Dieu » Romains 8,5-8. -C’est le cas aussi lorsque Epicure soutient que le plaisir est en soi un bien. Nul plaisir n’est en soi un mal » lit-on dans la maxime principale VIII. Ou dans la maxime X Si les causes qui produisent les plaisirs des gens dissolus défaisaient les craintes de la pensée, celles qui ont trait aux réalités célestes, à la mort et aux douleurs, et si, en outre elles enseignaient la limite des désirs nous n’aurions jamais rien à leur reprocher, eux qui seraient emplis de tous côtés par les plaisirs et qui d’aucun côté ne connaîtraient ce qui est souffrant et affligé, ce qui est précisément le mal ». Si certains plaisirs doivent être condamnés, si la débauche ne peut pas être conseillée, ce n’est donc pas parce qu’elle serait un mal par principe, c’est que le plaisir qu’elle promet n’est pas au rendez-vous. Ce sont les conséquences néfastes de la vie dissolue qui la condamnent car si elle assurait le bonheur elle serait un bien. Mais elle implique des maladies, des tracasseries liées l’opprobre public qu’elle ne manque jamais de déclencher, une insatisfaction permanente. Elle ne rend pas heureux. Epicure proclame donc que Le plaisir est plaisir corporel. Il est l’unique fin souveraine. Tout doit lui être subordonné. On comprend combien de telles affirmations heurtent tous les sectateurs de l’idéal ascétique, ceux que Nietzsche dénonce comme des nihilistes, prompts à haïr la vie, le corps, le plaisir au nom d’un néant auquel il faudrait sacrifier le réel. Reste que parler d’un hédonisme épicurien ne va pas de soi. L’analyse épicurienne de la nature du plaisir fait apparaître la difficulté. III Qu’est-ce que le plaisir ? Epicure distingue le plaisir stable ou catastématique et les plaisirs en mouvement. Les plaisirs en mouvement sont doux et flatteurs ». Se propageant dans la chair, ils provoquent une excitation violente et éphémère. C’est en recherchant uniquement ces plaisirs que les hommes trouvent l’insatisfaction et la douleur parce que ces plaisirs sont insatiables et que parvenus à un certain degré d’intensité ils redeviennent des souffrances. De fait, le plaisir en mouvement est lié aux intermittences du désir ou du besoin. Il est en général précédé de la souffrance puisque son intensité procède de la tension qui se dénoue en lui. Il est une sensation ponctuelle que l’on peut éprouver alors même que l’on est très malheureux. En témoigne la vie de ceux qui pratiquent un hédonisme débridé. Ce sont souvent des êtres en proie à une profonde détresse existentielle, recherchant des plaisirs divers et variés pour s’étourdir, pour fuir la douloureuse difficulté d’être. Par ailleurs, comme l’ennui est vite au rendez-vous, il faut pratiquer une véritable surenchère des plaisirs. En inventer de nouveaux, de plus forts. La soif des plaisirs ne connaît pas l’apaisement. Elle s’attise sans fin, enchaînant sa victime dans une spirale infernale, à la manière dont la drogue asservit le toxicomane dans une dépendance de plus en plus profonde. La brûlure du manque, la servitude, l’insatisfaction sont d’ordinaire la rançon du culte des plaisirs. C’est ce que Socrate essaie de faire comprendre à Calliclès avec la métaphore de la démangeaison. Plus on se gratte, plus on a envie de se gratter. Une vie dissolue est une vie de tonneaux percés », de pluvier qui mange et qui fiente en même temps ». C’est pourquoi Epicure oppose au plaisir en mouvement, le plaisir en repos. C’est un état d’équilibre qui est aux antipodes de l’expérience typique des plaisirs mobiles. Il décrit cet état bienheureux de la ligne 97 à 107. La santé du corps, la tranquillité de l’âme sont la perfection de la vie heureuse. Car tous nos actes visent à écarter de nous la souffrance et la peur. Lorsqu’une fois nous y sommes parvenus, la tempête de l’âme s’apaise, l’être vivant n’ayant plus besoin de s’acheminer vers quelque chose qui lui manque, ni chercher autre chose pour parfaire le bien-être de l’âme et celui du corps. C’est alors, en effet, que nous éprouvons le besoin du plaisir quand par suite de son absence nous éprouvons de la douleur, mais quand nous ne souffrons pas, nous n’éprouvons plus le besoin du plaisir ». Pour Epicure, le plus haut degré du plaisir tel qu’il est déterminé par la nature est donc la suppression de la douleur. D’où l’équivalence des expressions souverain bien », bonheur », absence de souffrances corporelles c’est-à -dire aponie », absence de troubles de l’âme ou ataraxie », plaisir ». Voilà le but de la nature. Ces considérations conduisent certains à qualifier l’hédonisme épicurien d’hédonisme négatif. Au fond, pour Epicure le plaisir ne serait rien d’autre qu’un état négatif c’est-à -dire l’absence de souffrances ou un état neutre absence de souffrances mais absence de plaisir aussi. Ce qui, il faut bien l’avouer, ne semble pas un idéal très réjouissant. On a dit que c’était l’idéal d’un homme malade, n’espérant rien de mieux sous le nom de plaisir que le fait de ne pas souffrir. On peut discuter cette interprétation. C’est le cas par exemple de Pierre Hadot. On peut penser que cet état de suppression de la souffrance du corps, cet état d’équilibre, ouvre à la conscience un sentiment global, cénesthésique, de l’existence propre tout se passe alors comme si, en supprimant l’état d’insatisfaction qui l’absorbait dans la recherche d’un objet particulier, l’homme était libre enfin de pouvoir prendre conscience de quelque chose d’extraordinaire, qui était déjà présent en lui de manière inconsciente, le plaisir de son existence, de l’identité de la pure existence » pour reprendre l’expression de C Diano. Cet état n’est pas sans analogie avec le bonheur suffisant et plein » dont parle Rousseau dans les Rêveries du promeneur solitaire Cf. Texte De quoi jouit-on dans une pareille situation ? De rien d’extérieur à soi, de rien sinon de soi-même et de sa propre existence, tant que cet état dure on se suffit à soi-même comme Dieu » Qu’est-ce que la philosophie antique ? IV Que faut-il faire pour que le plaisir soit toujours au rendez-vous de l’existence ? La question se pose car l’expérience montre que le souverain bien de l’existence est rarement le vécu quotidien des hommes. Ils souffrent physiquement et moralement, leur vie est empoisonnée de multiples craintes et asservie à des désirs vains. Comment donc s’affranchir des craintes, des angoisses, des désirs illusoires exposant la vie au malheur ? Comment se rendre content ? La réponse est formulée au début de la Lettre à Ménécée en philosophant. La philosophie est définie comme la méthode du bonheur. Pourquoi ? Parce que pour être heureux il faut D’abord comprendre quelles sont les causes du malheur. Qu’est-ce qui est au principe de l’impuissance humaine à cultiver le plaisir pur d’exister ? Seul un travail d’analyse, de réflexion peut élucider cette question. Or c’est là , la vocation de la philosophie dans sa dimension théorique. Ensuite sur la base de ce diagnostic, il convient de définir et de mettre en œuvre un ensemble de principes propres à garantir la vie heureuse. C’est là la dimension pratique de la philosophie. Elle consiste en un certain art de vivre. Comme le dit la sentence vaticane 54 Il ne faut pas faire le philosophe mais philosopher réellement, car nous n’avons pas besoin d’une apparence de santé mais la santé véritable ». V Une certaine idée de la philosophie. 1 Elle n’est pas une activité désintéressée. Dans la thématique platonicienne de la hiérarchie des genres de vies, l’idéal contemplatif occupe la première place ensuite l’idéal politique ou vie active et en dernier l’idéal chrématistique. L’activité théorique est conçue, comme le dira Aristote comme une fin en soi. La théorie la vision de l’esprit n’est pas le moyen d’une fin extérieure, elle est à elle-même sa propre fin. La philosophie, dit Aristote, est une activité libérale. Sa vocation n’est pas d’être utile mais de satisfaire les exigences propres de l’esprit. Elle est un savoir pour savoir, autrement dit une activité désintéressée. Rien de tel dans l’épicurisme. Epicure récuse le principe d’une activité humaine désintéressée. L’individu est mû par la recherche de son plaisir et par son intérêt. La philosophie n’est pas une fin en soi, elle est un moyen dans la recherche du plaisir. Il y a là une conception très subversive de la philosophie. Epicure considère que si la toute puissance des opinions, si l’absence de réflexion ne compromettaient pas la vie heureuse, il n’y aurait pas lieu de philosopher. Si nous n’étions pas troublés par la crainte des phénomènes célestes et de la mort, inquiets à la pensée que cette dernière pourrait intéresser notre être et ignorants des limites assignées aux douleurs et aux désirs nous n’aurions pas besoin d’étudier la nature ». Maxime principale XI. On ne peut être plus clair sur le statut de la connaissance. Comme l’écrit Paul Nizan Un Descartes cherche peut-être moins les conséquences de la vérité que la vérité elle-même. Epicure se préoccupe moins de la vérité que de ses suites ». La connaissance est si peu une fin en soi pour Epicure qu’il n’a aucune sympathie pour les mathématiques, la dialectique et pour les grandes questions théoriques dont on débat dans les Ecoles telles que l’Académie ou le Lycée. La vie contemplative n’est pas par elle-même la vie heureuse. Il cherche à savoir pour supprimer les troubles du corps et de l’âme, pour jouir du bonheur du sage. Dans la Lettre à Marcella, Porphyre se fait l’écho du jugement d’Epicure Vide est le raisonnement du philosophe qui ne guérit aucune affection de l’âme, car de même que l’on n’a nul besoin de médecine qui n’élimine pas les maladies du corps, ainsi de la philosophie, si elle n’élimine pas l’affection de l’âme ». C’est donc parce qu’il n’y a pas de vie heureuse sans sagesse qu’il faut philosopher. Cette affirmation implique deux idées D’une part la vie de l’insensé, de l’irréfléchi, de l’ignorant est une vie exposée au malheur. Il faut penser juste et conformer son action à sa pensée pour être heureux. Cette constatation fonde l’identification que les Grecs opèrent entre vie bonne =vie vertueuse et vie heureuse. Cf. Lignes 172 à 179. On ne peut être heureux sans être sage ; honnête, et juste sans être heureux. Les vertus, en effet, ne font qu’un avec la vie heureuse et celle-ci est inséparable d’elles ». Il n’est pas possible de vivre avec plaisir sans vivre avec prudence, et il n’est pas possible de vivre de façon bonne et juste sans vivre avec plaisir » Maxime principale V. D’autre part, Epicure abolit l’écart que Platon avait souligné entre la philosophie et la sagesse. La sagesse disait-il, est un idéal inaccessible. La philosophie est désir, amour de la sagesse mais celui qui désire prouve par là même qu’il manque de ce à quoi il aspire. Cf. La conception du désir comme manque. Pour Epicure, la vie heureuse et la sagesse sont accessibles. Sa vie et sa personne en sont la preuve vivante. Lignes 169 à 171 de tout cela, la sagesse est le principe et le plus grand des biens. C’est pourquoi elle est même plus précieuse que la philosophie car elle est la source de toutes les autres vertus ». 2 La philosophie est un moyen mais c’est un moyen nécessaire. Les misères du corps ne sont pas les seules causes empêchant les hommes d’être heureux. Ceux-ci ont l’art d’empoisonner leurs vies par de fausses imaginations, par de vaines opinions sources de troubles, de craintes ou d’angoisse. Seule la connaissance du vrai, l’étude de la nature, de l’ordre des choses peut promouvoir la paix de l’âme. La physique est donc une pièce maîtresse de l’éthique car seule, elle rend possible l’apaisement des souffrances liées aux superstitions, au rapport imaginaire aux dieux, à la mort, au temps, à la douleur, aux désirs. 3 La philosophie est une médecine de l’âme. Elle a une fonction thérapeutique. Elle libère, elle apaise. En ce sens elle constitue ce qu’on appelle aujourd’hui une psychiatrie. Par la connaissance du réel, par la maîtrise des désirs qu’elle rend possible, par les diverses stratégies qu’elle dispose à mettre en œuvre dans les épreuves de la vie, elle permet en toutes circonstances, de sauver le plaisir pur d’exister. Lignes 207 à 213. Il y a ainsi chez Epicure, une position assez proche de l’intellectualisme socratique ou cartésien. L’homme peut exercer un pouvoir sur lui-même par le moyen de représentations. Comme on peut se rendre malade avec des pensées fausses, on peut se guérir avec des pensées vraies. Au fond on admet le principe d’une psychagogie. On peut modifier ses états d’âme par des manières de se représenter les choses. On peut ainsi être son propre médecin. 4 La philosophie est en elle-même une activité plaisante. Instrument de la vie heureuse, la philosophie est en elle-même un plaisir. Le plaisir se ressent au cours de la recherche. Il n’y a pas chez Epicure comme chez Platon, un éloge des difficultés, des douleurs sans lesquelles on ne pourrait atteindre le vrai. Cf. L’allégorie où à chaque étape, Platon pointe les souffrances du prisonnier libéré. Certes la recherche de la vérité requiert des efforts, un élan de l’âme mais la pensée trouve dans son exercice même une jouissance. Souvenez-vous ici de la thématique aristotélicienne du bonheur défini comme plaisir lié à une activité. Cf. Sentence vaticane 27 Pour les autres occupations, après maturation le fruit vient paisiblement, mais pour la philosophie, l’agrément se rencontre avec la connaissance ; car la jouissance ne vient pas après l’apprentissage mais apprentissage et jouissance vont de pair ». A la fin du 2° siècle après JC. Sextus Empiricus rapporte ce propos d’Epicure La philosophie est une activité qui, par des discours et des raisonnements nous procure la vie heureuse ». VI Le quadruple remède. Par analogie avec un remède en usage à l’époque, composé de cire, de suif, de poix et de résine. Les dieux ne sont pas à craindre. La mort n’est pas à craindre. On peut atteindre le bonheur. On peut supporter la douleur. A Les dieux ne sont pas à craindre. 1 Les fausses opinions au sujet des dieux. Le conseil épicurien prend acte d’un fait les hommes ont peur des dieux. Toutes les religions sont filles de deux affects récurrents la crainte et l’espoir. Crainte devant les forces de la nature la tempête, le tremblement de terre, l’éclipse etc. dans le déchaînement desquelles, les hommes voient le signe de puissances invisibles qu’ils appellent des dieux ou des forces divines. Dans le creuset de la terreur, consubstantielle au sentiment religieux =sentiment d’une dépendance à l’égard de quelque chose qui est supérieur à soi, que l’on éprouve comme une transcendance se tisse ainsi, une image de dieux tout-puissants qui gouvernent les phénomènes naturels mais aussi la destinée des hommes dans cette vie et après leur mort. Ex Dans leur infortune les hommes croient lire la colère d’un souverain irrité, punissant les fautes dont ils se pensent coupables. Cf. Evangile de Jean IX, 2 Rabbi, qui a péché, cet homme ou ses parents pour qu’il soit né aveugle ? ». Inversement, ils interprètent leur chance comme le signe de la faveur des dieux. Pensez au protestantisme qui voit dans la réussite matérielle et sociale un signe de l’élection divine. Cf. Les études de Max Weber, sur le lien de l’éthique protestante et du développement du capitalisme. Chanceux ou malchanceux se tourmentent également des châtiments les attendant dans l’au-delà . D’où les prières, les rites de purification, les sacrifices par lesquels les hommes vouent un culte aux dieux afin de s’attirer leurs faveurs ou apaiser leurs courroux. Pensez au sacrifice d’Iphigénie. Telle est en substance la religion populaire. Epicure la disqualifie au même titre que la religion des doctes ou religion savante. L’une comme l’autre ligote la vie ». La religion des doctes s’était développée en Grèce, sous l’influence de Platon et d’Aristote. C’est la religion des philosophes et des savants consistant à se représenter Dieu comme un dieu cosmique, principe de l’ordre visible. Pour la religion astro-théologique ou religion astrale, la régularité du mouvement des astres témoigne qu’il y a un ordre cosmique et cet ordre exige d’admettre le principe d’une âme motrice ou âme intelligente comme la cause de ce bel ordonnancement. Cf. Cosmos=ordre et beauté. Il y a un moteur du ciel, un intellect divin. Il régit le monde visible selon une stricte nécessité rationnelle que l’homme, par sa propre raison, peut comprendre et contempler. Aux yeux d’Epicure, l’erreur de la religion savante est la même que celle de la religion populaire. L’une et l’autre ont le tort d’attribuer le gouvernement du monde à la divinité. La supériorité de la religion savante consiste à éviter de projeter sur les dieux les passions des hommes par exemple l’idée que les dieux sont capables de colère, de compassion, de sensibilité aux hommages des hommes etc.. Cette conception anthropomorphique de la divinité est pour Epicure le comble de l’impiété. La religion savante conçoit la divinité comme intelligence pure, régissant toutes choses selon une rigoureuse nécessité rationnelle. Aussi n’invite-t-elle pas à des prières, des sacrifices propres à fléchir la divinité. Elle invite, comme on le voit dans le stoïcisme, à suivre le dieu » à comprendre la nécessité, l’ordre du monde et à consentir à sa souveraineté. Mais à la fin de la Lettre à Ménécée, Epicure juge sévèrement le stoïcisme. Lignes Quant au destin, que certains regardent comme le maître de tout, le sage en rit ». Ce qui lui donne matière cette fois-ci à pointer l’infériorité de la religion savante par rapport à la religion populaire. Elle n’est peut-être pas anthropomorphique et en ce sens elle vaut mieux que la religion populaire, mais sa faute consiste, dans le stoïcisme à abolir la liberté alors que l’autre a au moins l’avantage, de laisser croire aux hommes qu’ils peuvent par des prières être les maîtres de leurs vies. Certes, cette liberté qu’ils croient exercer est une liberté illusoire car les dieux sont étrangers au cours des choses, mais cette opinion est préférable à une doctrine qui nie la liberté. Ainsi, même s’il est vrai que la physique du fatum ne débouche pas dans le stoïcisme sur une éthique du fatalisme puisque par la connaissance le sage stoïcien peut coopérer à ce qui par ailleurs échappe à son pouvoir, Epicure considère que le nécessitarisme stoïcien est faux et nocif. Il est faux car s’il y a du déterminisme, il y a aussi de la contingence. Il est nocif car il alimente des pratiques superstitieuses, telles que les pratiques divinatoires, alors en vogue à l’époque. Or s’il y a de la contingence, il est vain de chercher à connaître par divers moyens exploration des viscères de certains oiseaux, astrologie un événement futur. La critique épicurienne de la religion libère de ces superstitions. Néanmoins refuser l’idée de destin ou d’un ordre des choses rigoureusement nécessaire ne revient pas à affirmer que le hasard est la vérité du réel. On dit qu’un phénomène se produit au hasard lorsqu’il est impossible de le prévoir, soit parce qu’il est trop complexe pour que ses conditions soient déterminables, soit parce qu’il met en jeu une causalité capricieuse ou arbitraire. Le hasard met en échec le principe scientifique du déterminisme c’est-à -dire l’idée que les phénomènes sont régis par des lois ou rapports constants et nécessaires. L’intérêt de la position d’Epicure est de bien voir qu’il faut qu’il y ait de la contingence pour que le libre-arbitre soit possible mais aussi qu’il faut qu’il y ait du déterminisme pour que la liberté humaine ne soit pas impuissante. En effet, si les phénomènes se produisaient de manière désordonnée et imprévisible, l’homme ne pourrait pas réaliser les exigences de sa liberté. Paradoxalement le hasard n’est pas l’auxiliaire de la liberté, il en est le tombeau. En revanche le déterminisme des phénomènes permet à celui qui le comprend d’insérer efficacement dans le réel son projet. La prévision rend possible la mise en œuvre des moyens permettant d’éviter ou de provoquer l’événement. La vertu du sage consiste ainsi à exercer efficacement sa liberté à l’aide de la connaissance de la nature et de la rectitude de son raisonnement. Voilà pourquoi les lignes affirment Mieux vaut, après avoir calculé juste manquer le but par malchance, qu’après avoir mal calculé l’atteindre par hasard ». Epicure ne nie donc pas qu’il y a du hasard mais son efficience est limitée car il y a un ordre naturel qu’il faut connaître afin de pouvoir ruser avec les lois de la nature et les utiliser à notre profit. Quant au hasard proprement dit tout au plus peut-on espérer qu’il favorise le raisonnement éclairé. Idée-force C’est moins la fausseté des croyances religieuses qu’Epicure incrimine que leurs effets nocifs sur la vie des hommes. Toute pensée laissant supposer que les hommes ne disposent d’aucune liberté pour conduire leur vie est à condamner. Toute pensée entretenant les craintes aussi. La misère humaine se ramène à une certaine manière d’être ballotté entre la crainte et l’espoir. Les hommes ignorent ainsi la paix de l’âme or il n’y a pas de bonheur sans ataraxie. 2 La vraie nature des dieux. Si tout le mal provient d’une idée fausse au sujet des dieux, il faut commencer par un effort de démystification. Démystifier signifie assigner les vraies causes. Il faut commencer par connaître la nature science physique. Si l’on apprend à ne voir dans les phénomènes naturels que mouvement de particules, on s’affranchira de toutes les superstitions nous disposant à craindre dans le tremblement de terre la colère d’un dieu vengeur. La physique épicurienne enseigne que tout est fait d’atomes et de vide atomisme hérité de Démocrite. L’univers est infini ; un monde est une portion du tout qui se détache de l’infini et garde momentanément un certain ordre. Les mondes existent en nombre infini dans l’univers. Les corps sont des composés d’atomes dont les formes sont différentes. Le mouvement naturel des atomes consiste à tomber de haut en bas dans le vide à égale vitesse. Sous l’effet d’une déclinaison » ou déviation » ils se rencontrent et forment des composés. Ces composés n’ont aucune raison d’être. Contingence originaire. Nulle volonté providentielle ne préside à leur formation. Ils procèdent de la spontanéité des atomes ayant le pouvoir de dévier de leur trajectoire. Ce pouvoir, les épicuriens l’appellent parenklisis » en grec ou clinamen »en latin. Sa fonction est D’établir que nulle finalité providentielle n’intervient dans la genèse des mondes. Nulle nécessité absolue mais une sorte de liberté mécanique inhérente aux atomes. De donner un fondement physique au libre-arbitre humain. C’est pour sauver la liberté qu’Epicure a fait dévier les atomes tombant dans le vide infini affirme Cicéron. Lucrèce est très explicite sur ce point. Si toujours tous les mouvements sont solidaires, si toujours un mouvement nouveau naît d’un plus ancien suivant un ordre inflexible, si par leur déclinaison les atomes ne prennent pas l’initiative d’un mouvement qui rompe les lois du destin pour empêcher la succession infinie des causes, d’où vient cette liberté accordée sur terre à tout ce qui respire, d’où vient dis-je, cette volonté arrachée aux destins, qui nous fait aller partout où le plaisir entraîne chacun de nous, et, comme les atomes, nous permet de changer de direction, sans être déterminés par le temps, ni le lieu, mais suivant le gré de notre esprit lui-même ?». Idée-force Epicure propose une explication physique des phénomènes naturels. Il expulse le divin du physique. Matérialisme et atomisme. Il ne s’ensuit pas qu’il nie l’existence des dieux. Le matérialisme épicurien n’est pas un athéisme. Car les dieux existent et la connaissance qu’on en a est évidente, mais ils n’existent pas de la façon dont la foule se les représente». PB Qu’est-ce qui fonde cette croyance en l’existence des dieux ? Le fait que l’idée des dieux soit une idée universelle, ce que les épicuriens appellent une prénotion ou une prolepse. Dans l’Antiquité on trouve souvent cette idée que l’universalité de la notion des dieux est un argument en faveur de leur existence. Ex Puisque la croyance ferme en l’existence des dieux n’est pas une opinion qui vient de l’éducation ou de la coutume ou de quelque loi humaine mais repose sur le consentement unanime et ferme de tous les hommes, il faut nécessairement entendre qu’ils existent parce que nous en avons des notions inscrites ou plutôt innées. Or un jugement que tous les hommes partagent par nature, est nécessairement vrai. Il faut donc reconnaître qu’il y a des dieux » écrit Cicéron dans De la nature des dieux. XIV § 44. En réalité ce n’est pas une idée innée pour Epicure car l’épicurisme est un empirisme doctrine selon laquelle toute connaissance découle de l’expérience. C’est une notion qui se trouve en chacun de nous car chaque homme vit les mêmes rencontres. Pour l’empirisme épicurien, les fondements de la connaissance sont la sensation ; l’affection et la prénotion ou prolepse. La prénotion des dieux vient des images réelles que nous en avons eues dans le sommeil pensent les épicuriens car comme tout ce qui est, les dieux sont corporels et nous sommes impressionnés par eux. De fines pellicules ou simulacres se détachent d’eux en en conservant la configuration générale. L’action répétée de ces simulacres produit en nous une image. Mais la notion commune des dieux est occultée chez les athées comme elle est déformée chez les superstitieux. L’erreur procède toujours, non de la sensation ou de la prénotion mais de ce que le jugement y ajoute. Par exemple ici, que les dieux s’occupent de nous, qu’ils sont sensibles à nos hommages, qu’ils sont à craindre. Seul est indubitable le noyau commun de la prolepse, à savoir les deux caractères de béatitude et d’immortalité. C’est ce que tous les hommes entendent lorsqu’ils utilisent un mot désignant la divinité. La grande intuition d’Epicure s’énonce donc ainsi les dieux existent, êtres bienheureux, parfaits et ils ne se soucient pas des hommes. Si c’était le cas, ils seraient sujets aux tracasseries du monde, ce qui est contradictoire avec l’idée de bienheureux. Cf. Maxime principale 1 Ce qui est bienheureux et incorruptible n’a pas soi-même d’ennuis, ni n’en cause à d’autres, de sorte qu’il n’est sujet ni aux colères, ni aux faveurs ; en effet, tout cela se rencontre dans ce qui est faible ». On peut donc fêter les dieux, leur adresser des prières avec une authentique piété, celle du sage contemplant en eux le modèle du bonheur auquel il s’efforce de participer. Mais la prière épicurienne est une prière de louange non une prière de demande. Elle est une manière de rendre grâce à la béatitude et à l’incorruptibilité divines. La piété épicurienne est un pur amour n’attendant rien en retour. NB Voyez qu’il y a dans cette position une manière sans précédent d’ôter aux dieux ce que le sentiment religieux leur accorde communément à savoir la bienfaisance envers les hommes. L’académicien Cotta que fait parler Cicéron dans l’œuvre citée précédemment, considère ainsi que l’épicurisme est un athéisme pratique car Epicure a extirpé de l’âme humaine jusqu’à la racine du sentiment religieux lorsqu’il a ôté aux dieux immortels le secours et la grâce ». Le sage, écrit Philodème, admire la nature et la condition des dieux, il s’efforce de s’en approcher, il aspire à vivre avec eux ». Le bonheur de contempler la perfection divine est aussi bonheur partagé avec la communauté des croyants. Les épicuriens célèbrent les vertus de la fête d’autant plus agréable qu’elle rompt la continuité du quotidien. Dans la langue grecque, le terme théôria » désigne la procession et la contemplation. Le bonheur de la procession est aussi bonheur de la contemplation auquel il faut joindre le plaisir esthétique car la religion annexe l’art pour rendre un culte aux dieux. B La mort n’est pas à craindre. Il faut s’habituer par une méditation réitérée à comprendre cette profonde vérité car elle est tellement aux antipodes de la tendance naturelle qu’il faut un travail de soi sur soi pour éradiquer la crainte que la mort suscite. Les hommes en effet, redoutent la mort or Epicure nous demande de nous persuader que la mort n’est rien pour nous ». Il donne immédiatement la justification de cette affirmation car tout bien et tout mal réside dans la sensation ; or la mort est la privation de toute sensibilité ». Comme on l’a vu avec l’analyse de la notion de plaisir, le principe d’évaluation est dans l’épicurisme la sensation. Il n’y a de bien plaisir ou de mal souffrance que dans la sensation or la mort est la suppression de la sensation. Ou bien nous sentons c’est-à -dire nous vivons, ou bien nous sommes morts et nous ne sentons plus. Il s’ensuit que la mort ne nous concerne ni vivant, puisque quand nous sommes, elle n’est pas ; ni mort puisque quand elle est là , c’est nous qui ne sommes plus. Epicure propose un raisonnement implacable reposant sur une logique d’exclusion ou bien nous, ou bien la mort. La mort n’est rien pour nous » signifie il n’y a pas de rapport entre la mort et nous. Elle incarne l’altérité absolue, l’expérience qu’il n’est jamais possible de faire à la première personne puisqu’elle est la destruction de ce par quoi il peut y avoir expérience. Ainsi les hommes s’angoissent en transformant le rien en quelque chose les concernant leur vie durant sous la forme d’un destin effrayant. Le remède contre cette fausse opinion, cause et effet de l’angoisse existentielle consiste dans la rigueur du raisonnement qui, souvent répété fait prendre conscience et libère par cette prise de conscience, de la vanité de cette crainte. Epicure demande donc, comme thérapeutique à la peur de la mort, de substituer une pensée d’entendement à une pensée d’imagination. Il ne reste plus rien à redouter dans la vie, pour qui a vraiment compris que hors de la vie il n’y a rien de redoutable » Lignes PB On peut objecter à Epicure que les hommes n’ont pas peur de la mort comme événement ponctuel mais comme menace pesant sans cesse sur leur vie. Epicure balaie l’objection en qualifiant cette crainte de vaine et au fond de sotte. Lignes 51 à 57. Si l’événement n’est pas en soi à craindre puisqu’ étant impossible à vivre, il est pour nous un non-événement, la crainte de son éventualité n’est pas davantage fondée. Bayle posera le problème avec beaucoup plus de profondeur qu’Epicure L’amour de la vie est tellement enraciné dans le cœur de l’homme que c’est un signe qu’elle est considérée comme un très grand bien, d’où il s’ensuit que de cela seul que la mort enlève ce bien, elle est redoutée comme un très grand mal ». Ainsi Marcel Pagnol fait dire à César mourant De mourir ça ne me fait rien. Mais ça me fait de la peine de quitter la vie ». La réponse d’Epicure, en revanche, est d’une grande profondeur. Ce qu’il incrimine dans l’idée fausse concernant la mort, c’est moins sa fausseté que son effet pervers sur la vie. Car à désirer une vie illimitée le désir d’immortalité est une manière de décliner la crainte de la mort on gâche le bonheur de vivre, on se soucie d’un avenir qui ne nous concernera pas au lieu de concentrer notre attention sur le seul temps qu’il nous soit donné de vivre celui de la vie. C’est maintenant qu’il faut en jouir, dans la plénitude de sa présence. S’absenter en pensant à la mort est à la fois une erreur il n’y a pas de pensée vraie de la mort exceptée celle qu’elle est impensable et une faute. Ingratitude à l’égard de la vie, goût malsain de la souffrance. Comme l’écrit Geneviève Rodis-Lewis Philosopher c’est apprendre à vivre en plénitude. Craindre, attendre, espérer la mort nous détourne des joies réelles. Tourment sans cause ou leurre sans fondement, l’illusion est dissipée par la lucidité ». La suite du propos épicurien souligne les contradictions de l’attitude commune à l’égard de la mort. Tantôt les hommes la craignent tantôt ils la désirent. Dans les deux cas, Epicure épingle le caractère pathétique du rapport à la vie que ces sentiments révèlent Rapport imaginaire pour les premiers puisqu’ils ne comprennent pas qu’une durée plus ou moins longue ne peut rien retrancher ou ajouter au plaisir pur d’exister qui est en soi un absolu. Il y a dans la sagesse épicurienne, une manière d’investir le présent de la vie, propre à lui conférer la densité de ce qui est étranger au temps. Souffrance du vivre pour les seconds qui aimeraient en finir, et même dans certains cas véritable mépris de la vie. En témoignent ceux qui avec le poète Théognis prétendent qu’il vaudrait mieux ne pas être né. La critique épicurienne s’étaie sur un puissant amour de la vie qui constitue le fondement de cette philosophie. Epicure rappelle que cet amour est partagé aussi bien par le vieillard que par le jeune homme. Le philosophe fait apparaître la cohérence du sage. La vie ne lui est pas plus à charge qu’il ne redoute la mort. En toutes circonstances, il sait honorer la vie en sauvant le plaisir d’exister et il ne craint pas la mort car il n’y a aucun sens à croire qu’elle est un mal. Les hommes feraient donc bien de se préoccuper de mettre de l’ordre en eux. Ainsi, que ceux qui méprisent la vie se dépêchent d’en sortir. Cela ne dépend que d’eux. Ils ne sont pas tenus de subir ce qu’ils vivent comme un mal. Si la nécessité est un mal, il n’est pas de nécessité de vivre dans la nécessité » dit la sentence vaticane 9. Quant aux autres, qu’ils se souviennent que si tout ne dépend pas de soi il y a les vicissitudes de la fortune, les hasards le cours de l’existence n’est pas fixé d’avance refus de l’idée de destin ou de nécessité absolue. L’espoir est toujours permis et l’exercice de la liberté propre à réunir les conditions du bonheur, toujours possible. NB Pour une critique de la thèse la mort ne nous concerne ni mort ni vivant, voir le thème heideggérien de l’angoisse du mourir comme existential. C Le bonheur est à notre portée. PB Comment donner à notre vie la plénitude de la félicité et de l’éternité dont les dieux nous offrent le modèle parfait ? En comprenant que le principe de notre malheur est le désir lorsqu’il s’écarte de la loi naturelle. D’où la nécessité de distinguer parmi nos désirs ceux qui sont naturels et nécessaires, ceux qui sont naturels mais pas nécessaires, ceux qui ne sont ni naturels ni nécessaires. 1 Désirs naturels et désirs non naturels. Cf. Cours sur le désir. La sagesse épicurienne a Les désirs non naturels se caractérisent par l’illimitation. Les hommes par exemple, aspirent à une vie indéfiniment continuée, à une gloire éternelle, à un amour infini etc. Or comme tous les Grecs, Epicure associe la perfection à la limitation d’un être pleinement achevé. C’est ici-bas dans les limites de cette vie qu’il faut réaliser son bonheur. Pas de nostalgie de l’ailleurs dans cette sagesse. Seule une pensée victime des mirages de l’imaginaire peut affirmer avec Rousseau que Le pays des chimères est en ce monde le seul digne d’être habité ». L’épicurisme lie l’illimitation des désirs aux fausses opinions. La richesse de la nature est à la fois bornée et facile à atteindre ; mais celle des opinions vides se perd dans l’illimité » Maxime principale XV. Celui qui connaît les limites de la vie, sait qu’il est facile de se procurer ce qui supprime la souffrance due au besoin et ce qui amène la vie toute entière à sa perfection ; de sorte qu’il n’a nul besoin des situations de lutte ». Maxime principale XXI. b Les désirs non naturels sont vains et illusoires. Les hommes désirent par exemple, la richesse. Or, non seulement il semble qu’elle ne parvienne pas à les combler lorsqu’ils l’ont puisqu’ils veulent alors autre chose, mais pour l’accumuler ils se soumettent à des tracas et à des tourments incompatibles avec la vie heureuse. Par un travail de brute, on entasse des monceaux d’or écrit Porphyre dans la Lettre à Marcella ; mais on se fait une vie misérable » Les hommes désirent aussi la gloire et ce faisant ils font dépendre leur bonheur de l’opinion d’autrui. D’où la nécessité de leur plaire, de subir la versatilité de leur jugement, de souffrir les affres de l’inquiétude lorsque le vent tourne. Par ces analyses, Epicure ne disqualifie pas la richesse et la gloire en soi, au nom d’un ascétisme de principe. Ils les disqualifient parce qu’elles ne donnent pas la plénitude du plaisir que les hommes espèrent en elles. NB Que l’épicurisme ne relève pas d’un idéal ascétique est très explicitement signifié lignes 133 à 138. C’est un grand bien à notre avis que de se suffire à soi-même, non qu’il faille toujours vivre de peu, mais afin que si l’abondance nous manque, nous sachions nous contenter du peu que nous aurons, bien persuadés que ceux-là jouissent le plus vivement de l’opulence qui ont le moins besoin d’elle ». L’incapacité des hommes à maintenir leurs désirs dans les limites de la nature est donc ce qui fonde leur incapacité à être heureux. Nous ne vivons jamais, dira Pascal, nous espérons de vivre ; et, nous disposant toujours à être heureux, il est inévitable que nous ne le soyons jamais ». C’est là le thème récurrent, en philosophie, de la démesure des désirs lorsque les vaines opinions l’emportent sur la saine réflexion. Les tonneaux ne peuvent alors jamais être pleins mais comme ceux des Danaïdes ils se vident à mesure qu’on les remplit. Un célèbre dialogue de Plutarque entre Pyrrhus, contemporain d’Epicure et Cinéas disciple du philosophe met en scène cette idée. Appelé par Tarente à lutter contre Rome, le prince prévoit de se soumettre l’Italie, puis la Sicile, puis Carthage pour reprendre enfin la Macédoine, jadis perdue. Et alors ? Nous aurons beaucoup de loisirs et, coupe en mains, nous coulerons d’heureux jours en d’aimables conversations, et nous nous réjouirons ». Et Cinéas de répliquer Pourquoi pas dès maintenant ? » Pyrrhus, 14. 2 Désirs naturels nécessaires et désirs naturels non nécessaires. Si les désirs illimités ne sont ni naturels, ni nécessaires, certains désirs sont des désirs naturels mais non nécessaires. La faim, la soif sont des désirs naturels et il est indispensable de boire et de manger. Mais il n’est pas nécessaire de boire telle boisson ou de manger tels mets raffinés. Il se peut qu’il y ait plus de désagrément à la clé que de plaisir. Car la mesure à l’aune de laquelle tout doit être mesuré est le plaisir c’est-à -dire l’absence de souffrances. La limite et la grandeur des plaisirs est l’élimination de tout ce qui provoque la douleur ». Maxime principale III. Epicure enseigne donc la nécessité d’une métriopathie c’est-à -dire d’un calcul salutaire des plaisirs et des peines. Il convient en chaque circonstance d’apprécier, par un exercice rigoureux du raisonnement, le moyen le plus adapté à la fin poursuivie le plaisir. Le résultat de cette opération conduit parfois à refuser un plaisir immédiat ou à accepter une souffrance momentanée si c’est la condition d’un plaisir supérieur futur. L’important est de maximiser la somme des plaisirs et de minimiser les peines. Le secret d’une vie heureuse réside donc dans une maîtrise des désirs propre à éviter les déconvenues auxquelles expose leur spontanéité. Par exemple, le sage se méfie de l’amour. Aimer fait souffrir. Peur de perdre l’être cher, jalousie, affres du tiédissement de la passion etc. Aux pièges de l’amour, les épicuriens préfèrent le plaisir calme de l’amitié, sa constance, sa manière de s’approfondir par le commerce quotidien. Vivre entouré d’amis, se prêter mutuellement secours, entretenir des conversations pleines d’intérêt, tel est l’idéal de la relation humaine dans le Jardin. Parmi tout ce que la sagesse se procure en vue de la félicité d’une vie tout entière, ce qui de beaucoup l’emporte est l’amitié ».Maxime principale XXVII. L’amitié encercle le monde par sa danse, conviant chacun à la vie bienheureuse » Sentence vaticane 52. Cela ne signifie pas que les plaisirs érotiques soient exclus. Nul plaisir n’étant un mal, il n’y a pas l’ombre d’une condamnation des plaisirs de l’amour charnel dans l’épicurisme, mais il faut savoir éviter tous les dangers qu’ils comportent. Aujourd’hui par exemple, le risque du sida si on ne fait pas preuve de prudence. Lucrèce recommande les services de la Vénus vagabonde » la prostituée; les amours de rencontre afin de jouir des plaisirs des sens sans s’exposer aux souffrances de l’amour. D On peut supporter la douleur Quelle que soit sa vertu, le sage n’est pas à l’abri de la douleur. Les maladies sont des phénomènes naturels avec lesquels il faut compter. Epicure en sait quelque chose qui toute sa vie fut un grand malade. PB Comment maintenir inaltéré le bonheur du sage lorsqu’il est confronté à l’épreuve de la douleur ? Comme toujours il faut se dire un certain nombre de choses, il faut agir sur soi par des représentations. Ainsi, dans l’adversité il faut se répéter des aphorismes de ce type Un douleur forte est brève, une douleur prolongée est faible ». Lignes 186. 187. Le mal le plus extrême est étroitement limité quant à la durée ou quant à l’intensité ». Ainsi se dispose-t-on à faire face à la douleur aiguë et à supporter sereinement la douleur modérée. On peut aussi équilibrer une douleur actuelle par le souvenir de plaisirs passés ou par l’anticipation de plaisirs futurs. Le sage peut ainsi tenir en respect le mal qu’il subit en sauvant quelque chose du souverain bien. C’est ce que Epicure fait au dernier jour de sa vie, lorsque déchiré par les douleurs de la maladie qui l’emporte, il se donne, grâce au souvenir des agréables conversations qu’il a eues avec Idoménée, un plaisir présent. La représentation d’un plaisir passé ou futur est en elle-même un plaisir. Au fond, Epicure propose une stratégie d’évitement du mal. Se distraire de la souffrance en concentrant son attention sur le souvenir ou l’anticipation d’un plaisir est une manière d’échapper à ce que le présent a de douloureux et d’insuffler en lui une possibilité de plaisir par les moyens de lautosuggestion. Il y a là une façon de voir que dans l’adversité, il n’y a de remède qu’en soi-même. NB Aujourd’hui l’héroïsme de la sagesse a fait place à la morphine et aux psychotropes. Nul doute qu’Epicure conseillerait la morphine, car si l’homme peut éviter de souffrir ce n’est pas un épicurien qui s’en plaindra. Pour les psychotropes, la question est plus délicate. La psychiatrie la plus efficace et la plus vertueuse se nomme philosophie pour un amoureux de la sagesse. En ce sens, n’y a-t-il pas, dans le recours aux molécules qui euphorisent ou qui apaisent le dépressif une manière de renoncer à l’acte de foi des grandes philosophies à savoir que nous avons pouvoir sur le plan moral pour être notre propre médecin ? On sait que le freudisme disqualifie radicalement cette croyance. Le moi n’est pas maître dans sa propre maison ». Il s’ensuit qu’on ne se libère pas d’une souffrance psychique par la puissance du raisonnement et de la volonté. Ce qui était dans les grandes sagesses, une tâche personnelle, d’ordre spirituel et moral devient avec Freud une tâche médicale. Pour les théories psychologiques de la souffrance mentale, la médecine se nomme psychothérapie. Pour les conceptions biologiques, la médecine se nomme médicaments. Conclusion L’enjeu de cette philosophie est l’autosuffisance du sage. Il s’affranchit de tout ce qui peut le faire souffrir en réunissant les conditions d’un bonheur qu’il ne doit, en grande partie, qu’à lui-même. Partager Marqueursactivité libérale, bonheur, Désir, dieux, épicurisme, hédonisme, métriopathie, mort, philosophie, plaisir, religion, sagesse, souffrance, stoïcisme, utilitarisme, vertu
Reprise des méditations à partir du mercredi 26 septembre à 18h45 à Dinan à la Maison des associations à Dinan et le jeudi 13 septembre à Miniac Morvan à l’Arpenteur des sens Si vous souhaitez me rejoindre à l’une des séances du jeudi cet été, prévenez-moi par texto ou téléphone tel06 83 38 32 88 Si vous souhaitez découvrir ou approfondir la Méditation de Pleine Présence, découvrez celle-ci guidée par Danis Bois Séance à l’unité 12 euros Carte de 8 séances 75 euros Contact et informations auprès d’Isabelle Dronne 06 83 38 32 88 Au plaisir de partager cette profondeur et qualité de silence avec vous. Isabelle DRONNE Assis sur une chaise confortablement, vous vous laissez guider par Isabelle, elle vous invite progressivement à poser votre attention sur vos perceptions corporelles … C’est un rendez-vous calme et profond où vous apprendrez à entrer en relation avec vous-même, à percevoir les changements permanents subtils qui s’opèrent en vous et trouverez ainsi un état de tranquillité intérieur et affinerez votre connaissance de vous même. Veuillez trouver ci-après, une méditation guidée lors du stage Corps voix et mouvement » de novembre 2016. Méditations guidées en groupe mercredi soir de 18h45 à 19h45 à Dinan, 2 fois par mois et tous les jeudis matin de 10h à 11h15 hors vacances scolaires à Miniac Morvan à L’arpenteur des sens, dans une yourte traditionnelle. 12 euros la séance ou 75 euros les 8 séances, inscription au 06 83 38 32 88
9 Le symbolisme du corps humain comment interpréter l’anatomie humaine ? Quelle est la signification symbolique des organes et des différentes parties qui composent notre corps ? A travers son célèbre dessin L’homme de Vitruve, Léonard de Vinci introduit le lien entre le corps humain, les sciences, les arts, la philosophie et la métaphysique. L’étude symbolique du corps humain permet d’approcher le mystère de la vie, de Dieu et de la conscience. Il éclaire le rapport entre la matière et l’esprit. L’homme debout de Léonard de Vinci est à la fois inscrit dans un carré la matière et dans un cercle l’esprit il est connecté à la terre, mais son âme est en lien avec l’invisible. L’homme est un microcosme un petit monde à l’image du macrocosme le cosmos tout entier. De même, les organes qui le composent peuvent être vus comme des petits mondes connectés entre eux, formant un tout cohérent. Le corps humain évoque des représentations ou des objets hautement symboliques, parmi lesquels la croix par exemple l’Ankh croix de vie égyptienne, la colonne ou le pilier, l’arbre de vie, ou encore l’axe du monde c’est l’image de l’homme universel, recentré, éveillé, debout et connecté à la Source ». Sur le plan spirituel et ésotérique, le corps humain est souvent vu comme un canal de lumière et de conscience sa force, sa santé et sa beauté montrent le degré de réalisation de l’être. Enfin, l’individu n’est pas statique le symbolisme du corps humain s’exprime aussi à travers le dynamisme de ses actions et de ses positions. L’homme est un des rares mammifères à se tenir droit c’est ce qui lui permet d’utiliser ses mains pour créer et construire. Là encore, le symbolisme est riche de sens. Entrons dans le symbolisme du corps humain. Le symbolisme du corps humain approche générale. Tout d’abord, le corps humain est construit de manière symétrique le mystérieux phénomène de la vie répartit harmonieusement la matière inerte selon un axe central, sorte de ligne invisible mais omniprésente. La vie est cette force qui ordonne le chaos la symétrie exprime le sens, la beauté et l’intelligence. D’autre part, l’être humain est construit sur une opposition entre le bas et le haut le bas les jambes, les pieds sont connectés à la terre, c’est-à -dire à la matière brute et informe. Le haut la tête s’élève au-dessus du monde physique ce point haut qu’il soit divin ou humain crée et transforme le monde, lui donne du sens. Enfin, le corps humain comporte un centre imaginaire. Pour Léonard de Vinci, le centre spirituel est le nombril c’est le centre du cercle, alors que le centre matériel se trouve au niveau de parties génitales c’est le centre du carré. Le symbolisme des différentes parties et organes du corps humain. Il est possible d’interpréter les différentes parties du corps humain de la manière suivante les pieds ils symbolisent les fondations de l’édifice corporel, le point de départ du chemin de compréhension, les jambes elles sont le symbole de la marche, du mouvement, de l’action, la colonne vertébrale elle symbolise l’axe vertical qui fait le lien entre le Ciel et la Terre. Elle montre un chemin d’élévation. C’est aussi l’axe autour duquel la kundalini énergie spirituelle lovée au bas de la colonne vertébrale, selon le yoga remonte, le nombril c’est le symbole du lien à la Terre-Mère, le ventre c’est le centre des pulsions et des désirs le ça » de Freud, ou encore le centre de la personnalité et de l’âme, le coeur c’est le centre de l’énergie vitale qui rayonne dans tout le corps par le flux sanguin. C’est le réservoir d’Amour, principe cosmique essentiel. C’est le lien intuitif entre le matériel et l’immatériel, le centre de la vraie Connaissance. C’est l’organe le plus authentique » du corps humain, les bras ils symbolisent l’action et la force. Prolongement de la volonté de l’être humain, ils peuvent enlacer, aider, construire ou bien étouffer voire tuer. Le bras droit impulse, le bras gauche soutient l’action, les mains elles représentent la créativité, la possession, la domination, mais aussi la transmission, la tête elle évoque la sphère, symbole de perfection. C’est le centre de toutes les facultés humaines, e
Après la naissance de se première fille, il y a 17 ans, Caroline a changé complètement de vie. Une immense crise et un éveil de la Kundalini l’a faite basculer d’une femme mentale et analytique, vers une femme pleines d’émotions, de sensibilité et de connexion à plus grand que soi. Un tsunami intérieur et extérieur non contrôlé a tout déconstruit ce qui ne lui appartenait pas et l’a conduit pas à pas sur le chemin de sa nature perdue. Après avoir exploré ses blessures et ombres les plus profondes, elle a pu suivre l’élan de son cœur et de sa terre intérieure. Elle est donc passée d’un statut de femme docteur en économie, puis cadre et salariée, à la création de sa propre activité et s'est lancée en parallèle dans l’écriture de roman et de poèmes. Son Roman initiatique “Au Nom du Corps” est devenu Best Seller à sa grande stupéfaction. Elle l'ai écrit d’un seul jet comme si il devait s’expulser tout seul.
La relation Homme-Nature La matière subjective de l’écopsychologie n’est ni l’humain, ni le naturel, mais l’expérience vécue de l’interrelation entre les deux, que la “nature” en question soit humaine ou non-humaine1. » Par ces mots, Andy Fisher définit le sujet de l’écopsychologie la relation homme-nature. Comme toute relation, la relation homme-nature nécessite une démarche dialogique, en ce sens qu’il est nécessaire de prendre en compte deux éléments disjoints, opposés et complémentaires l’humain et le naturel2. Par ailleurs, la relation homme-nature implique une double orientation en raison des deux versants, la nature à l’extérieur de soi et la nature à l’intérieur de soi, en sachant que l’une et l’autre interfèrent constamment et se fécondent mutuellement. Mais, qu’est-ce au juste que la nature ? Et qu’est-ce qu’une relation ? Qu’est-ce que la nature ? Quand nous abordons le concept nature », il faut savoir que nous nous situons alors selon une vision occidentale du monde qui oppose la nature aux hommes et aux œuvres humaines, autrement dit la nature à la culture. Dans d’autres sociétés, celles des peuples premiers, ce concept n’existe pas car plantes et animaux sont inclus dans la sphère globale dont eux-mêmes font partie. Philippe Descola le souligne Le concept de nature est une invention de l’Occident3. » Bien des sociétés dites “primitives” nous invitent à un tel dépassement, elles qui n’ont jamais songé que les frontières de l’humanité s’arrêtaient aux portes de l’espèce humaine, elles qui n’hésitent pas à inviter dans le concert de leur vie sociale les plus modestes plantes, les plus insignifiants des animaux4. » Au sens commun, la nature regroupe – les forces » et les lois physiques, géologiques, tectoniques, météorologiques, biologiques, qui produisent l’univers, animent les écosystèmes, et génèrent des phénomènes épisodiques glaciation, cycles géologiques, tremblement de terre, tsunami…,– les groupes d’espèces animales et végétales sauvages, domestiqués, les individus de chacune des espèces,– les mondes qui les abritent, les milieux de vie des individus/espèces humains et non-humains– les écosystèmes produits par la coexistence des différentes espèces humaines et non-humaines. Si l’on se tourne vers l’étymologie, nature » vient du latin natura qui est issu lui-même de nascor naître, provenir ». Le mot évoque ce qui est dans son état natif, qui n’a pas été modifié depuis sa naissance, qui n’a pas été transformé, mélangé ou altéré par un artifice quelconque, ce qui est en train d’émerger, ce qui se produit par Fisher souligne Notons comment la nature, dans son sens primordial, est un processus, un verbe. La nature comme un substantif, comme de la matière physique, est ainsi… une nature dans un sens restreint. Le monde naturel est fondamentalement un champ de phénomènes émergeant-et-passant, une myriade d’évènements interactionnels se déployant-et-mourant5. » Le sens commun du mot nature » est donc éloigné du sens étymologique, selon lequel la nature désigne un ensemble de phénomènes et de situations qui sont fortement évolutifs et dont la transformation n’est pas seulement du fait de l’homme mais aussi de sa propre dynamique. Pour François Terrasson, la nature est ce qui résiste à la volonté de l’homme », du moins selon la vision occidentale. C’est l’altérité à l’état pur. Fondamentalement, la nature est autre, elle a sa propre logique. Les organismes, les écosystèmes s’autorégulent sans autre finalité que de se maintenir et de se reproduire. Ils obéissent à leurs propres nécessités. Andy Fisher va dans le même sens et précise Nature, dans ce sens, est le monde tout entier de l’altérité et la nature humaine est l’altérité que nous expérimentons en nous-mêmes6. » Autrement dit, la nature, processus vivant qui naît, se déploie et meurt, échappe complètement à l’emprise humaine. Elle est ce que nous rencontrons à l’extérieur de nous tout autant que ce que nous rencontrons à l’intérieur notre nature humaine, notre nature est l’altérité qui interagit constamment avec nous, qui façonne notre être jour après jour en lui permettant d’échapper au monde clos que nous risquons à tout moment d’édifier. Francis Hallé écrivain et botaniste l’appelle de ses vœux J’aimerais préserver l’altérité des arbres comme l’une des plus précieuses ressources parmi celle qui nous aident à vivre, dans un monde submergé par l’humain7. » Louis Espinassous confirme cette nécessité Nous avons besoin de l’autre non-humain – animal, végétal, ruisseau, montagnes et cosmos – que nous n’avons pas fait, qui n’est pas nous, pour nous sentir à notre juste place, pour nous sentir pleinement nous-mêmes, à la fois autres, radicalement humains, différents, et appartenant aussi à l’animal, au vivant et au cosmos8. » Pour le philosophe Gérald Hess, le mot nature » nous renvoie avant tout à une représentation. Autant les éléments naturels rocs, nuages, rivières, plantes, animaux… sont des choses réelles, autant la nature en soi ne constitue en fait aucune réalité. Elle est, précise-t-il, une idée, un métaconcept, qui véhicule des significations implicites étroitement associées à l’expérience des locuteurs qui en font usage » 9, qui est donc étroitement dépendant de notre manière d’être au monde. Rejoignant Descola, Gérald Hess relie la notion de nature à la culture occidentale et aux nombreux sens que celle-ci lui donne en fonction des orientations prises. Haut Qu’est-ce qu’une relation ? En logique, la relation indique un rapport d’interdépendance entre deux ou plusieurs variables, défini sur la base d’un principe commun tel que toute modification de l’une d’entre elles entraîne la modification des autres »10. La relation, c’est l’interdépendance entre deux êtres ou entre deux entités. Suivant les éléments naturels extérieurs avec lesquels nous entrons en contact, nous n’aurons pas la même réaction. Se retrouver nez à nez avec une laie et ses petits au cœur de la forêt ne provoque évidemment pas le même effet que découvrir une fleur d’hellébore à peine éclose le long du chemin. Les deux situations n’activent pas les mêmes zones neuronales en nous, elles ne déclenchent pas les mêmes émotions et, par conséquent, n’engendrent pas les mêmes la réaction des êtres humains vis-à -vis des éléments naturels, des différences importantes existent également selon qu’ils appartiennent à une culture ou une autre. Aussi parler de la relation homme-nature, comme l’écopsychologie tente de le faire, comporte-t-il un risque, celui de généraliser, de globaliser, de simplifier à l’extrême, comme si cette relation n’était qu’une. En réalité, elle présente des formes multiples en fonction des partenaires en seulement en acceptant de tenir compte de cette diversité de situations, en refusant la globalisation, que l’écopsychologie gagnera en intelligence, en complexité, en capacité de communiquer et se fera ainsi mieux comprendre. Connaître les processus qui animent les animaux, les végétaux, les écosystèmes demande de faire appel aux nombreuses disciplines qui en font l’étude l’éthologie, la phytologie, la géologie, la systémique, l’écologie… Nous avons besoin de tous ces savoirs pour comprendre comment fonctionne la nature puisque celle-ci, n’étant pas dotée de parole, ne peut nous l’expliquer ! Par contre, en tant qu’être humain et plus particulièrement en tant que psychologue, nous pouvons tenter de comprendre ce qu’il en est des processus qui animent l’homme en relation avec ce qui est autre ». Face à ce qui se présente à lui en tant qu’élément naturel, il réagit. De même que tout système vivant, par ses capacités d’auto-organisation, il traite cette réalité qui est autre, qui est extérieure à lui avec les aptitudes qui sont les siennes innées et acquises, et celles-ci diffèrent évidemment selon que la rencontre se fait avec la laie et ses petits ou avec la fleur d’hellébore ! Ces aptitudes s’exercent en fonction de nombreux critères qui déterminent les comportements, en fonction de grilles de lecture au niveau collectif mais aussi au niveau les repérer et les étudier, nous ferons le point successivement sur ces deux niveaux de nos représentations. Nous ferons état des influences collectives et des influences personnelles qui conduisent l’être humain à agir d’une manière ou d’une autre vis-à -vis de la nature. Mais, auparavant, il nous paraît nécessaire de parler du phénomène de la perception. C’est en effet par l’intermédiaire des sens que nous entrons en contact avec l’environnement, que nous entrons en relation avec lui. Nous ne savons ce qu’il en est de lui en dehors de notre présence ne serait-ce que de simple observateur. Il nous faut donc avoir à l’esprit que ce que nous percevons comme étant la nature n’est pas la nature elle-même une nature objectivée, comme nous aurions tendance à le croire, mais le résultat de notre propre perception. La perception de la nature Par définition, La perception est une opération psychologique complexe par laquelle l’esprit, en organisant les données sensorielles, se forme une représentation des objets extérieurs et prend connaissance du réel »11. Le philosophe Merleau-Ponty s’est efforcé de décrire le phénomène en levant l’illusion dans laquelle nous nous fourvoyons si souvent dans notre monde occidental moderne croire à l’objectivité de la réalité. On suppose une objectivité absolue… du réel et l’on oublie qu’il ne peut se révéler qu’à travers une dimension marquée par la subjectivité… Pour Merleau-Ponty est première, non pas la chose, mais la perception de la chose, autrement dit une dimension où le surgissement du réel est indissociable de son expression à travers la singularité d’un corps. L’expérience n’est pas une relation entre un sujet et une altérité donnés, mais un moment où ils surgissent de concert, presque indistinctement, dans un “sentir” qui brouille leurs différences même s’il ne l’abolit pas. En oubliant l’implication nécessaire du sujet dans l’expérience, autrement dit en ne voyant pas que derrière tout “donné” se cache aussi une certaine construction subjective, le réalisme prête au réel ses propres présupposés. Plus ces derniers sont niés, plus nos illusions subjectives conservent sur nous leur pouvoir12. » En fait, la nature n’existe pas de manière isolée, en tant qu’objet face à nous sujet. Elle est le terme d’un couple indissociable nature-culture. La nature ne se laissant saisir d’abord qu’à travers notre perception, étant donc un ensemble de significations pour la conscience qui la vise, son existence en soi ne saurait avoir de sens déterminé13. » L’influence des orientations qui sont les nôtres, en fonction de nos expériences, joue donc un rôle majeur. Ici, nous rejoignons ce que Gérald Hess avance lui-même, comme nous l’avons vu la nature n’a pas de réalité objective, elle est un métaconcept. Seul existe un rapport entre notre être – et les représentations qui l’habitent – et les éléments naturels que nous contactons. Selon la psychologie de la forme gestalt-théorie, les processus de la perception et de la représentation mentale traitent spontanément les phénomènes comme des ensembles structurés les formes et non comme une juxtaposition d’éléments. Dans l’acte de perception nous ne faisons pas que juxtaposer une foule de détails, nous percevons des formes Gestalt globales qui rassemblent les éléments entre eux. Le verbe gestalten peut se traduire par mettre en forme, donner une structure signifiante ». Le résultat, la gestalt », est donc une forme structurée, complète qui fait sens pour nous. Par exemple, une table prend une signification différente à nos yeux selon qu’elle est recouverte de livres et de papiers ou d’une nappe et de plats. Sa gestalt » globale change dans un cas, la table sert de bureau de travail, dans l’autre, elle est destinée au au chêne, Francis Hallé interroge Qu’est-il, ce grand Chêne ? Pour le géographe, une marque paysagère, témoin d’ancestrales pratiques agricoles ; pour le forestier, un cylindre de bois noble » susceptible d’être abattu, débité puis vendu à un prix intéressant. L’informaticien y verra un défi pour la simulation graphique et se mettra à la recherche des algorithmes les plus significatifs. Êtes-vous porté vers la mystique ? Alors ce Chêne devient un trait d’union entre le ciel, le monde des hommes et la Terre, un symbole cosmique donnant accès à l’universel ; une approche naturaliste y verra plutôt, affublée d’un nom latin, une forme de vie remarquable par sa longévité et l’ampleur de ses surfaces d’échange. Motif urbain ? Source de glands pour nourrir les porcs ? Simple tâche d’ombre pour le marcheur de l’été ? Pas du tout, dit l’adepte des médecines douces, dans cet arbre circule un flux d’énergie tellurique adossez-vous à son tronc et vos douleurs lombaires vont s’apaiser. Vous n’y êtes pas, dit le philosophe, ce Chêne est avant tout la matérialisation de l’écoulement du temps, à la fois mémoire naturelle et supports de mémoire culturelle, il est le principe même de la civilisation14. » Ainsi, Il n’existe pas de perception isolée, pure, non influencée. Toute perception est initialement structurée par des représentations, liées à l’histoire de la personne, à ses expériences dans un milieu donné. Elle consiste en une distinction de la figure sur le fond car le tout est perçu avant les parties le formant le tout est supérieur à la somme des parties » ou, pour le dire autrement, l’ensemble prime sur les éléments qui le composent ». En d’autres mots, ce qui est présent de façon tangible est toujours rempli par ce qui est absent, par une atmosphère intangible que nous ressentons implicitement… La signification de la figure, l’interprétation que nous en faisons, dépend du terrain en jeu. La relation figure/fond thème/horizon, explicite/implicite, focus/champ est la structure de base de l’expérience15. » Dans une situation donnée, les sensations suscitent l’activation d’informations contenues en mémoire qui provoquent une perception de la réalité » par le sujet ainsi que ses réactions. C’est pourquoi, quand nous parlons de grille de lecture » de la réalité, nous signifions par-là que chacun d’entre nous perçoit le réel à travers les lunettes mentales » qu’il s’est construite au contact de son groupe d’appartenance. Haut Les différentes visions de la relation homme-nature dans la communauté Ici, pour la simplicité du propos, nous faisons le choix d’utiliser le mot nature » dans sa signification extérieure ». Cependant, nous allons vite nous rendre compte combien la nature intérieure, la nature humaine, est partie prenante de l’ nous focalisons au niveau collectif pour faire apparaître les visions concernant la relation homme-nature qui sont de l’ordre de la culture. Nous nous demandons quelles sont les grilles de lecture que nous rencontrons au niveau de la communauté des humains ? Deux représentations l’emportent bien souvent la première inclut totalement l’humain dans la nature, la seconde les sépare. Pour Edgar Morin, ces deux visions relèvent d’un méta-paradigme, celui de la simplification, qui, devant toute complexité conceptuelle, prescrit soit la réduction ici de l’humain au naturel, soit la disjonction ici entre l’humain et le naturel, ce qui empêche de concevoir l’unidualité naturelle et culturelle, cérébrale et psychique de la réalité humaine, et empêche également de concevoir la relation à la fois d’implication et de séparation entre l’homme et la nature16. » Fusion avec l’univers ou, au contraire, sentiment de large distanciation d’avec lui, à chaque fois il s’agit d’une attitude simplificatrice », qui soulage de l’effort à fournir pour tenir ensemble les deux termes l’humain et la nature. Cette posture, qui donne la prépondérance à l’un ou à l’autre, empêche de percevoir l’unidualité » pour reprendre l’expression d’Edgar Morin ou, comme le dit Andy Fisher, de ressentir l’unité-à -l’intérieur-de-la-séparation, le-semblable-à -l’intérieur-de-la-différence, la-continuité-à -l’intérieur-de la-discontinuité »17. Nicole Huybens, psychosociologue, qui a mis ses pas dans ceux d’Edgar Morin, se sert de la pensée complexe pour aborder la relation Homme-Nature. Dans l’ouvrage issu de sa thèse, La forêt boréale, l’éco-conseil et la pensée complexe. Comprendre les humains et leurs natures pour agir dans la complexité, elle distingue quatre représentations possibles. Pour notre part, nous allons distinguer quatre visions de la relation Homme – Nature une vision anthropocentrique, une vision biocentrique, une vision écocentrique et une vision multicentrique18. » Le centre étant le point, l’élément où convergent et d’où rayonnent les forces, les éléments dispersés, toutes les décisions seront évaluées à l’aune de celui-ci. 1. L’anthropocentrisme quand l’homme est le centre, l’unité de mesureSelon la vision anthropocentrique, celle de notre monde occidental, l’être humain se considère comme séparé de la nature. L’humain est séparé de la nature, différent d’elle, il est rationnel et libre de construire son destin, il possède la capacité de produire des connaissances et l’éthique qui font défaut à la nature. Dans cette vision, l’humain justifie l’énigme de son existence par la valorisation d’une ou de plusieurs de ses caractéristiques propres sa liberté, son éthique, sa rationalité et ses sentiments. Il est alors en droit de dominer la nature, de s’en servir comme un propriétaire, sans rituel, sans besoin de réciprocité, sans donner à la nature un caractère sacré19. » L’anthropocentrisme s’enracine dans la tradition judéo-chrétienne mais aussi dans la pensée grecque et dans la pensée humaniste. Parce qu’elles considèrent l’homme comme la mesure de toute chose, elles cherchent à l’épanouir en prônant le développement des facultés proprement partir du XVIIe siècle, l’anthropocentrisme s’est vu renforcé par le développement de la science mécaniste qui faisait de la nature un objet évaluable, mesurable, quantifiable une matière en mouvement que l’on peut scruter, disséquer, classifier, mettre en calculs, pour finalement en tirer parti. Avec la prédominance de la vision anthropocentrique, La nature est un objet parce que seul l’humain est un sujet20. » Porté par un élan prométhéen du nom du héros qui vola le secret du feu aux dieux de l’Olympe afin d’en faire profiter les humains, l’homme se place en position de domination vis-à -vis de la nature21. On le comprend, en raison de ses racines humanistes, la vision anthropocentrique s’appuie sur les notions d’égalité entre les humains et de liberté pour chacun. Ce droit, accordé à tout individu mais insuffisamment encadré par la notion de devoir, lui a permis d’acquérir peu à peu un pouvoir sans précédent. Il a autorisé la mise en place de la société de production-consommation effrénée que nous connaissons aujourd’hui. Dans un monde d’individus libres et égaux, la logique économique du marché libre semble être un moyen raisonnable et équitable de prendre des décisions22. » Pour Nicole Huybens, la vision anthropocentrique se décline en réalité selon deux orientations très différentes l’exploitation pure et simple de la nature ou bien son gardiennage. La critique actuelle de l’anthropocentrisme est nécessaire face aux dégradations environnementales provoquées par l’ambition et l’avidité des hommes. Mais souvent cette remise en question occulte la seconde orientation, celle qui place l’être humain en position de gardien de la nature, une conception qui trouve ses racines dans la tradition judéo-chrétienne. Dans la bible, en effet, l’homme n’est pas seulement le maître de la nature que Dieu a institué … soyez féconds, multipliez, emplissez la terre et soumettez-la; dominez sur les poissons de la mer, les oiseaux du ciel et tous les animaux qui rampent sur la terre » Gn 1 28Il apparaît aussi comme son intendant Yahvé Dieu prit l’homme et l’établit dans le jardin d’Eden pour le cultiver et le garder » Gn 2 15.A l’égoïsme débridé de l’être humain qui ne voit dans la nature que l’occasion de satisfaire ses envies s’oppose ainsi une attitude de responsabilité il lui faut être un bon gestionnaire des ressources naturelles » mises à sa disposition. Dans le premier cas, seul compte son propre intérêt ; dans le second, le jardin est gardé pour qu’il puisse profiter à tous, notamment aux générations lors, au regard des problèmes écologiques de notre monde, une éthique environnementale qui se baserait sur la vision anthropocentrique nécessiterait de développer cette seconde attitude tout en freinant la première Il s’agit de passer d’une conception despotique dominer, écraser, réduire, manipuler, se prendre pour Dieu en insistant sur la violence et le pouvoir à une conception de la gérance collaborer, améliorer, comprendre, partager, ressembler à Dieu créateur et gérer sous sa conduite comme un intendant serviable et responsable23. » Mais est-ce vraiment l’attitude la plus juste » à prôner ? 2. Le biocentrisme quand la vie est le centre à partir duquel se prennent les décisions La vision biocentrique apparaît en contre-point de l’anthropocentrisme. Le biocentrisme se caractérise par l’abandon radical de la perspective anthropocentrique… où l’être humain apparaît comme l’achèvement de la création24. » Face aux excès destructeurs de la position anthropocentrique, s’oppose une vision radicalement inverse la nature est sacralisée car toute vie appelle le respect. Chaque être vivant, quel qu’il soit, humain ou non-humain, possède en soi une valeur intrinsèque qui demande d’être prise en considération. Il est un organisme, destiné à s’accomplir, selon ses propres voies, et, en cela, il mérite d’être considéré et protégé autant qu’un biocentrisme, nous dit Nicole Huybens, est sous-tendu par une tendance, appelée primitivisme », qui s’inspire du mythe de l’âge d’or. Des textes remontant à l’Antiquité – ceux d’Hésiode, d’Ovide, de Sénèque…- évoquent ce mythe. Il y a très longtemps, la vie était idéalement simple la terre féconde nourrissait en abondance les hommes qui y vivaient paisiblement, n’ayant pour seul effort à fournir que celui de cueillir ce qui s’offrait à eux. Sans répression, sans loi, on y pratiquait la bonne foi et la vertu. Il n’y avait pas de juges, ni de navigation, ni de commerce, ni de guerre, ni d’armes. La terre, sans être cultivée, donnait fruits et moissons25. » Depuis ces temps idylliques, la situation a malheureusement dégénéré, la décadence s’est installée et l’essor de la civilisation, avec ses techniques, ses conquêtes, ses actions arrogantes et son lot de chagrins et d’inquiétudes, a commencé. Cette évolution est responsable de l’état de dégradation qui affecte notre planète aujourd’hui. L’écologie profonde, développée par le philosophe Arne Naess, apparaîtrait comme relevant, du moins en partie, de cette vision biocentrique. Elle invite en effet à un renversement de la perspective anthropocentrée, l’homme ne se situant plus au sommet de la hiérarchie du vivant, mais s’inscrivant au contraire dans l’écosphère en tant que partie du tout. L’éthique de l’écologie profonde s’appuie sur huit principes, dont les trois premiers manifestent cette orientation 1. Le bien-être et l’épanouissement des formes de vie humaines et non-humaines de la Terre ont une valeur en elles-mêmes synonyme valeur intrinsèque, valeur inhérente. Ces valeurs sont indépendantes de l’utilité du monde non-humain pour les besoins La richesse et la diversité des formes de vie contribuent à la réalisation de ces valeurs et sont également des valeurs L’Homme n’a pas le droit de réduire la richesse et la diversité biologique, sauf pour satisfaire des besoins humains vitaux26. » La vision biocentrique est souvent critiquée pour son abolition de toute hiérarchie entre les êtres vivants, voire même pour ce qu’elle recèlerait d’anti-humanisme puisqu’elle refuse à homo sapiens toute place spécifique. D’une manière caricaturale, si tout être vivant a droit au respect, il n’y aurait pas de raison de choisir le camp des humains quand ils se trouvent en butte avec d’autres espèces menaçantes ou concurrentes. Les hommes étant considérés comme des agents de destruction de la nature, la tendance, pour quelques tenants du biocentrisme, serait même de ne leur accorder plus guère de crédit ! Parlant de ces militants extrémistes, André Beauchamp écrit Entre la terre et l’homme, ils optent pour la terre contre l’homme. L’être humain est la menace de la terre, sa déchéance, son cancer27. » Haut 3. L’écocentrisme quand le système est le centre à partir duquel s’évalue les décisionsS’il remet en cause l’anthropocentrisme, le biocentrisme reste cependant tributaire d’une approche individualiste qui n’attribue de réalité qu’aux organismes isolés en négligeant leur intégration dans leur milieu de vie. Or la protection de la biodiversité s’intéresse surtout à des entités supra-individuelles, les espèces et les écosystèmes. L’écocentrisme propose une approche plus large afin d’inclure ces entités globales les espèces, les communautés d’êtres vivants, les écosystèmes. Elles ont une valeur intrinsèque car elles sont une matrice pour les organismes. Il s’agit donc de les prendre en une interview, Philippe Descola déclarait Nous aurons accompli un grand pas le jour où nous donnerons des droits non plus seulement aux humains mais à des écosystèmes, c’est-à -dire à des collectifs incluant humains et non-humains, donc à des rapports et plus seulement à des êtres28. » La vision écocentrique s’appuie sur les découvertes systémiques de l’écologie scientifique les éléments vivants biotiques, et non vivants a-biotiques interagissent pour former un tout qui a sa cohérence propre. Elle se fonde sur l’existence même de la valeur systémique dans la nature. En même temps, note Nicole Huybens, sa philosophie s’enracinerait dans un terreau traditionnel, notamment, le romantisme et le courant de la wilderness, qui considère l’être humain en lien étroit avec les éléments du monde plus-qu’humain et la nature comme un équilibre, plein d’harmonie et de beauté, à contempler et respecter. L’éthique de l’écocentrisme repose sur l’analyse des conséquences des actes que nous accomplissons sur les écosystèmes. Aldo Leopold en a énoncé le principe fondamental dans Almanach d’un comté des sables Une action est juste, quand elle a pour but de préserver l’intégrité, la stabilité et la beauté de la communauté biotique. Elle est répréhensible quand elle a un autre but29. » La protection de la biodiversité devient dès lors un enjeu majeur car si une espèce disparaît, c’est tout l’écosystème qui se déséquilibre et ce déséquilibre rejaillit sur les autres espèces, y compris sur nous-mêmes, les hommes. Il nous faut donc favoriser un partenariat avec l’ensemble de la communauté biotique qui exclue toute tendance à privilégier les seuls intérêts humains. Quand nous oublions que nous sommes enchâssés dans le monde naturel, nous oublions aussi que c’est à nous-mêmes que nous faisons ce que nous infligeons à notre environnement30. » En mettant l’accent sur l’interconnexion des formes de vie au sein d’un tout complexe et harmonieux, l’écocentrisme appelle les humains à respecter les lois de la nature. Contempler la beauté du monde, le penser comme un tout et harmoniser les conduites humaines aux lois de la nature sont les piliers de la vision écocentrique31. » Soucieux du bon fonctionnement des écosystèmes, les écocentristes considèrent l’espèce humaine comme une espèce parmi d’autres, en lien d’interdépendance avec elles. Ils font souvent appel au principe de précaution dans son sens restrictif quand on ne connaît pas avec exactitude les conséquences d’une décision, il importe de ne pas la mettre en œuvre32. »Dans cette approche, les sentiments ne sont pas à exclure mais servent au contraire la démarche. Aldo Leopold l’exprime clairement Il me paraît inconcevable qu’une relation éthique avec la terre puisse exister sans amour, respect et admiration pour la terre, sans aucun égard pour sa valeur. Par valeur, j’entends, bien sûr, quelque chose de plus fondamental que la simple valeur économique, j’entends la valeur en son sens philosophique33. » Pour Nicole Huybens, cette place donnée aux sentiments dans la relation à la nature rejoindrait la démarche des romantiques qui considéraient les émois éprouvés devant la beauté du monde comme la source d’une connaissance d’ordre poétique. En opposition à l’attitude prométhéenne rationnelle et utilitariste, cette vision romantique relève de l’attitude orphique, du nom du héros et poète grec, fils de la muse Calliopé poésie, qui, par son chant et les accents de sa lyre, charmait les animaux sauvages et parvenait même à émouvoir les végétaux et les éléments inanimés34. Sur le plan pratique, l’éthique de l’écocentrisme implique la mise en place d’une éducation du public. L’écologie pourrait, par exemple, être enseignée dans le secondaire par des experts en écosystémique, afin que chacun se trouve informé des lois de la nature et comprenne les conséquences de ses actions sur l’environnement. La protection de la nature demande en effet des connaissances complexes. Si on néglige les règles de fonctionnement des écosystèmes, on peut en effet agir de manière inutile, voire nuisible, même en croyant bien faire ». Dans son ouvrage Plaidoyer pour une nouvelle écologie de la nature, l’écologue Jean-Claude Genot en donne plusieurs exemples vouloir sauver une espèce ou tenter d’agir pour l’amélioration de la planète engendre parfois des mesures artificielles, incohérentes, qui privilégient un élément au détriment du système. Ainsi, préserver la chevêche nécessiterait la destruction inutile de la fouine parce qu’elle est un prédateur de la chevêche » ; pour lutter contre le réchauffement climatique, il faudrait transformer nos forêts en champs d’arbres » qui absorberait le gaz carbonique tout en nous fournissant en bois de chauffage, mais qui supprimerait radicalement la dimension éco-systémique du lieu. Haut 4. Le multicentrisme quand le centre est dans la coordination de l’un ET l’autre Nicole Huybens relève que la vision écocentrique est entachée de plusieurs paradoxes – Les lois de la nature sont appréhendées et comprises en dehors de la présence de l’homme. Nous étudions les processus naturels en eux-mêmes, comme si l’homme n’y était pas mêlé. Mais qu’en est-il de la situation réelle, celle où il est inséré dans la nature ? – Par ailleurs, les écosystèmes ne sont pas stables. Faut-il préserver à tout prix leur intégrité, au risque de contrevenir au processus naturel d’évolution ? Si l’on veut conserver les écosystèmes tels qu’ils sont, ne risque-t’on pas de contrevenir à la dynamique de changement, lente et puissante, de la nature ? Dans un monde complexe où la destruction de la nature s’accélère, agir efficacement pour la protection de la faune et de la flore n’est plus à la portée de n’importe quelle personne d’aussi bonne volonté soit-elle . »– Enfin, la nature est autant barbare » que bienveillante » et les lois de la nature ne sont pas forcément toutes bonnes » à l’écocentrisme introduit à la complexité, il s’agit d’aller plus loin encore en proposant une vision multicentrique qui intègre des antagonismes et des contradictions dans un cadre qui permet d’envisager leur complémentarité ». L’écocentrisme devrait permettre d’intervenir dans la complexité d’une problématique socio-environnementale, qui inclut et dépasse les trois premières visions et présente de manière articulée ce qui peut a priori apparaître comme des contradictions35. » Cette nouvelle approche s’articule, selon Nicole Huybens, autour de cinq concepts clés. 1. La co-évolution Non seulement, l’humain et la nature sont en lien étroit mais ils se créent mutuellement. Les humains et la nature sont les produits l’un de l’autre », les produits de leur lente marche du monde s’est faite, précise Edgar Morin, par transformations mutuelles entre une biosphère acentrique, inconsciente, spontanée et une humanité devenant de plus en plus consciente de son devenir et du devenir du monde36. » Nicole Huybens ajoute L’humain, en devenant conscient du devenir de l’univers, donne une conscience au monde, cela le distingue des autres espèces, sans le séparer37. ». De tous les acteurs du système, lui seul en effet possède la capacité de réflexion sur ce qui se grande partie, aujourd’hui, la planète résulte des activités humaines. Au cours des millénaires, elle s’est peu à peu anthropisée ». Par ailleurs, notre identité en tant qu’homme ou femme est le résultat de notre interaction renouvelée avec la Terre qui nous multicentrisme ouvre la perspective d’un partenariat qui associe l’humanité et la nature dans une relation réciproque38 » mais qui pour autant ne fait pas de l’être humain un être séparé. L’homme doit cesser de se concevoir comme maître et même berger de la nature… Il ne peut être le seul pilote. Il doit devenir le co-pilote de la nature qui elle-même doit devenir son co-pilote39. » Il s’agit donc de considérer la relation entre l’humain et la nature comme une dynamique de réciprocité créatrice. La spécificité de notre espèce n’est pas à nier, elle a toute sa place. Sur le plan neuro-anatomique, elle est la conséquence du développement exceptionnel du lobe frontal de nos cerveaux, qui nous permet d’être capables de mémoire, de concentration, de gestion des émotions, de pensée réfléchie, et nous met ainsi en position de participer de manière consciente à l’évolution. L’humain ne peut nier ni sa dignité, ni sa spécificité, ni la valeur intrinsèque de sa partenaire, la nature40. » La spécificité de l’être humain, défendue dans la vision anthropocentrique, est ici reprise mais d’une manière tout à fait différente, puisqu’en lien étroit et co-créateur avec la nature. 2. La responsabilité En raison du développement de sa conscience, l’humain est responsable de ses actes. On peut voir dans l’apparition des conventions internationales sur le climat ou sur la biodiversité des exemples concrets de l’exercice de cette responsabilité. Ceci sera insuffisant chaque humain est aussi responsable devant sa conscience sans tribunal pour ce qui concerne les conséquences futures de son agir quotidien41. » 3. La raison et les sentiments Connaître la nature de manière rationnelle et scientifique, est indispensable pour prendre les décisions les plus appropriées possibles. Savoir comment fonctionnent les entités naturelles et les écosystèmes réduit le risque de se comporter selon son seul l’approche sensible a également sa place. Nous pouvons voir par exemple que la réintroduction des ours provoque des réactions émotionnelles très différentes selon les personnes réjouissance, peurs, colère… Grâce à sa faculté de se mettre à la place de l’autre, l’être humain est capable d’empathie non seulement à l’égard de ses semblables mais également à l’égard des éléments du monde non-humain. La vision multicentrique de la relation homme – nature suppose que la bienveillance, terme générique que nous pouvons utiliser pour désigner les différentes formes d’amour, sous toutes ses formes, guide les décisions humaines autant en relation avec d’autres humains qu’en relation avec la nature42. » 4. Le holisme et l’individualisme Ne voir que l’individu fait oublier l’espèce. Mais ne s’occuper que de l’espèce fait disparaître l’individu. La vision multicentrique prend en considération l’individu comme le fait le biocentrisme à l’égard de chaque être vivant ou l’anthropocentrisme uniquement à l’égard de chaque être humain, elle prend aussi en considération les espèces et les écosystèmes comme le fait l’écocentrisme. Une éthique multicentrique tient compte des individus ET des espèces,d’un animal ET de l’écosystème,des humains dans leur spécificité ET de la nature dans sa biodiversité43. » 5. Le dialogue La complexité de la vision multicentrique ne peut s’exprimer de manière adéquate sans recourir à la démocratie dialogique, qui semble le meilleur rempart contre le retour aux discours totalisants44. » Pour aller dans le sens de la vision multicentrique, il est nécessaire de donner place à la pluralité des points de vue, sans craindre les conflits qui peuvent en découler. Dans le cadre du débat, les antagonistes sont à entendre si on veut laisser émerger une position qui n’exclut aucun terme. Cette voie d’ouverture trouve son point d’appui dans la reconnaissance de l’altérité tenir compte de l’autre, respecter sa différence, écouter ce qui lui est particulier. Haut Les besoins humains comme grille de lecture Tout en chaussant les lunettes culturelles de son groupe d’appartenance, l’individu voit la nature en fonction également de son histoire personnelle. En nous tournant vers la théorie des besoins établie par Abraham Maslow, nous trouvons une autre grille de lecture de la relation Homme-Nature qui explique les comportements humains. Cette fois, nous nous focalisons sur les besoins propres de chacun. Selon Maslow, l’homme recherche la satisfaction de besoins qui sont hiérarchisés les uns par rapport aux autres. Il ne peut passer d’un besoin à un autre que si le premier a été du moins en partie ontologiquement satisfait ». Autrement dit nous ne pouvons accéder au troisième étage d’un immeuble que si nous sommes d’abord passés par le rez-de-chaussée, le premier puis le deuxième étage. Le sentiment de satisfaction éprouvé dépend de l’histoire du sujet et de la culture dans laquelle il baigne. 1. A la base, nous trouvons les besoins de survie boire, manger, dormir, se reproduire, conserver l’homéostasie du système vivant que nous Une fois la survie assurée, nous pensons à notre sécurité éloigner le danger, prévenir le manque en thésaurisant les ressources. Nous sommes alors dans le domaine de l’ avoir ».3. Maintenant que nous craignons moins pour notre avenir, nous tissons des liens avec notre entourage humain et non-humain. Notre besoin d’appartenance nous incite à nous relier à …4. Rassurés physiologiquement et affectivement, nous voulons satisfaire le besoin d’estime, de reconnaissance de notre originalité. Nous voulons être ».5. De ce mouvement d’affirmation de soi émerge le besoin d’accomplissement de soi, de réalisation des capacités et les dons qui sont en nous. Si, comme toute modélisation, la pyramide da Maslow montre certaines limites par exemple, la hiérarchie des besoins n’apparaît pas comme étant aussi stricte, elle a le mérite néanmoins d’avoir un aspect très pratique. Nous pouvons la considérer comme une grille de lecture heuristique pour lire les comportements humains. Ainsi, Dans la relation Homme-Nature, les différents besoins se traduisent par les comportements suivants – Le besoin de survie nous incite à regarder la nature comme source de satisfactions primaires boire, manger, dormir. – Le besoin de sécurité nous amène à thésauriser, stocker, accumuler des réserves ainsi qu’à nous prémunir contre les déchaînements soudains dont notre environnement peut être le siège tempête, raz de marée, avalanches, etc.. – Le besoin de relation nous incite à voir dans le monde non-humain un univers qui nous accueille, qui est là pour nous apporter la tendresse que notre entourage familial ne sait peut-être pas toujours nous apporter. Qui n’est pas allé se consoler d’un chagrin ou d’une dispute, en se réfugiant dans la forêt ou la campagne environnante, ou en allant parler à ses » fleurs ? – Le besoin d’estime peut nous inciter à affirmer notre pouvoir sur notre environnement. Notre société occidentale avec la technologie qu’elle a développée pesticides, engins de chantier, tracteurs, barrages hydrauliques… a cherché à compenser son état d’infériorité vis à vis de la nature. Quel garçon quand il était petit n’est pas resté des heures en admiration devant un engin modelant le sol pour une future autoroute ? – Le besoin d’accomplissement de soi, de la vie en soi, quant à lui, nous permet de changer notre relation à la nature. De rivale ou d’objet à notre disposition, elle devient alter ego, une autre forme du vivant qui nous permet en la comprenant et en l’étudiant d’être à l’écoute de la vie en nous et de ses mouvements. Quelle douceur dans le contact, quelle tendresse dans les propos de certains pépiniéristes quand ils nous parlent de leurs plantes ! Pour résumer, imaginons l’exemple d’un jardin créé par une personne qui cherche à satisfaire ses besoins de base et de sécurité c’est un potager. Si elle veut satisfaire ses besoins d’appartenance le voilà couvert de fleurs, avec des endroits où il fait bon venir s’asseoir. Supposons maintenant qu’elle veuille satisfaire son besoin d’estime le jardin est à la française » ou couvert de plantes exotiques et rares. Enfin, si elle désire réaliser sa créativité il est à taille humaine et révèle l’harmonie entre les végétaux qu’il héberge. Haut Les bases neurologiques des grilles de lecture individuelles On doit à Paul Mac Lean, qui a forgé dans les années 1950 la théorie des trois cerveaux en un », de nous avoir montré que le cerveau est le produit de l’évolution et qu’il est constitué de structures différentes présentes chez d’autres espèces45.Il se serait construit selon trois grandes étapes – le cerveau reptilien, situé sur le tronc cérébral, est à l’origine des comportements archaïques liés à la survie, à la défense du territoire et à l’intégrité de l’individu se nourrir, se reproduire, s’abriter, fuir ou combattre. Ces comportements sont du registre du pur réflexe instinctif et du binaire oui/non, lui ou moi, tout ou rien. Le cerveau reptilien est le siège des émotions primaires, le lieu d’une violence fondamentale46 », primitive, d’une poussée instinctuelle qui sert la lutte pour la vie. A ce niveau, pas de discussion possible. Il n’existe pas d’espace pour analyser, comprendre, élaborer des stratégies qui tiennent compte des différents éléments en présence. Il manque le tiers qui permet de penser l’altérité et évite ainsi de réagir de manière réaction de panique à la vue d’un serpent est de l’ordre du réflexe reptilien, bien utile lorsque notre existence est véritablement en le refus obtus de changement prend également sa source dans ce même cerveau reptilien car changer signifie perdre ses repères, ses habitudes son habitus et donc au moins en partie son identité. – le cerveau limbique, venu se greffer sur le cerveau reptilien, correspond à la partie centrale du cerveau. Constitué de nombreux noyaux et ganglions, il est considéré comme le centre des émotions » et des sentiments. Traitant la réalité en termes de plaisir ou de déplaisir, il joue un rôle important dans la perception et l’expression des émotions. Il est également impliqué dans les phénomènes de résistances au changement car ce dernier est perçu avec ses cerveau limbique participe aux mécanismes de projection des sentiments sur la nature, à l’anthropomorphisme47, mais aussi à l’élaboration des mythes, des contes, de la poésie, de la vie symbolique en général. – le néocortex, apparu plus tardivement, est situé sur la couche externe des deux hémisphères cérébraux. Particulièrement développé chez les primates supérieurs, il est le siège des activités cognitives les plus élaborées. Selon ce schéma, élaboré par Mac Lean, on comprend aisément que la rencontre avec la laie et ses petits au cœur de la forêt va stimuler le cerveau archaïque, tandis que la vision de l’hellébore en fleur sollicite d’autres zones du cerveau limbique et corticale, et qu’ainsi les deux situations sont à l’origine de réactions très différentes. Dans le premier cas, nous redevenons un animal mû uniquement par l’instinct de survie ; dans le second, nous éprouvons une émotion de joie et d’émerveillement, nous nous arrêtons pour contempler et nous avons peut-être envie d’écrire un poème, de prendre une photo, de faire une aquarelle…Arthur Koestler avait une bonne formule pour imager cette situation avoir plusieurs cerveaux en un Pour parler allégoriquement de ces trois cerveaux dans le cerveau, on peut imaginer que le psychiatre qui fait étendre son patient lui demande de partager le divan avec un cheval et un crocodile48. » Aujourd’hui, les recherches scientifiques sont venues remanier la théorie de Paul Mac Lean49. Nous savons, par exemple, que le cerveau des crocodiles ne se limite pas à une structure archaïque. Il possède également un système limbique et un cortex le pallium, ce qui explique les comportements maternels développés par ces animaux. Les vertébrés – les poissons, les reptiles, les oiseaux, les mammifères – ont en fait des cerveaux qui sont construits selon la même structure. Ce qui diffère entre eux est seulement le développement relatif des différentes parties de cette plus est, il n’existe pas de cloisonnement entre les différentes régions du cerveau et leurs fonctions, comme la théorie de Mac Lean le laisserait penser. Antonio Damasio, professeur de neurologie, a démontré par exemple que le système limbique est impliqué dans les facultés de raisonnement le cœur participe à la raison. Les mécanismes neuraux nécessaires aux processus rationnels, que l’on situe habituellement au niveau néocortical, ne peuvent fonctionner que grâce à la participation des niveaux sous-corticaux. Pour reprendre l’image d’Arthur Koestler, le cavalier ne saurait exister sans son cheval ! Par certains côtés, la capacité d’exprimer et ressentir des émotions est indispensable à la mise en œuvre des comportements rationnels50. » La nature semble avoir construit les mécanismes sous-tendant la faculté de raisonnement non pas seulement au-dessus des mécanismes neuraux sous-tendant la régulation biologique, mais aussi à partir d’eux, et avec eux… Le néocortex fonctionne de pair avec les parties anciennes du cerveau, et la faculté de raisonnement résulte de leur activité concertée51. » Cependant, bien que la théorie des trois cerveaux de Mac Lean soit en partie obsolète, elle a le mérite de nous faire comprendre comment, en tant qu’humains, nous pouvons avoir des réactions si différentes suivant les situations que nous rencontrons, comment nous pouvons nous sentir assaillis par des sensations, des émotions, des aspirations parfois très antagonistes52. Selon les évènements auxquels nous sommes confrontés, selon également le processus de maturation qui a été le nôtre, nous développons des comportements qui prennent leur source à des stades très différents, archaïques ou élaborés. Haut La maturation psychique au service du dialogue homme-nature Savoir prendre en considération l’autre, humain ou non-humain, savoir se mettre à son écoute au lieu d’avancer des idées toutes faites, nécessite d’avoir développé une certaine maturité. L’ouverture à l’altérité est le résultat d’un long processus conduisant à l’humanisation de l’ ce niveau, la manière dont chacun se comporte vis-à -vis de la nature dépend des situations qui ont plus ou moins conditionné son accès à la maturité. Focalisons-nous maintenant sur ce processus et ses aléas. – Le processus d’humanisationDans les premiers mois de vie, disent les psychanalystes, le nourrisson est encore très peu différencié. Dans un état de dépendance extrême, Il se trouve pour une large part confondu avec son environnement avec sa mère, sa famille proche, mais aussi avec le monde non-humain qui l’entoure comme le souligne Harold Searles. Au fur et à mesure de son développement, grâce à l’interaction incessante avec ses proches qui soutiennent ses progrès, l’enfant va pouvoir de mieux en mieux affirmer sa différence. Il traverse différentes étapes, auxquelles on a donné le nom de castrations symboliques », lors desquelles il perd peu à peu les avantages liés à sa fragilité et son impuissance de tout-petit ainsi que les illusions qui les accompagnent perte du sein, nécessité de contrôler ses sphincters, de s’habiller seul, de s’assumer de plus en plus lui-même, perte de l’illusion d’être le centre du monde », perte de l’illusion de pouvoir être le partenaire privilégié du parent de sexe opposé… Il est poussé à renoncer à nombre de prérogatives liées au jeune âge mais, ce faisant, il gagne en identité personnelle. Ce grandissement, lorsqu’il s’effectue sans entraves, autrement dit lorsque l’entourage soutient l’enfant dans son avancée, le conduit à se percevoir progressivement comme un être distinct, différent de sa mère, de son père, de sa fratrie, de tout son environnement au sens large. Le contact répété avec le monde, à travers l’école, le voisinage, les activités de jeux et d’éveil, les éléments naturels…, contact nourri par sa curiosité, sa soif de découvertes et son esprit d’entreprise, le confirme dans ce processus de la nébuleuse initiale émerge petit à petit le dissemblable » et le pluriel ». Le Je » apparaît en même temps que le Tu » et en même temps que le Nous » et le Vous ». Cheminement difficile, qui nécessite des conditions favorables à savoir des parents ou leurs substituts disponibles, compréhensifs, soutenants et capables de poser les limites protectrices. Cheminement parsemé de progrès et de régressions, de pas en avant suivis de reculades, avec son lot de rebondissements… mais qui conduit à l’humanisation de l’être une maturité qui repose sur le sens de l’altérité, de la réciprocité, de la rencontre. Le mot fondamental Je-Tu fonde le monde de la relation53. » Le sens de l’altérité est la condition sine qua non pour que la pensée complexe compte de mon propre vécu, de mes perceptions et de mes idées, en même temps que je tiens compte du vécu, des perceptions et des idées de l’autre ou des autres, tenir compte de ce qui fait différence, voire de ce qui s’oppose, entre moi et lui, voilà les conditions pour que la réalité complexe puisse se révéler. Cet accès au sens de l’altérité n’est possible pour l’être que s’il a acquis un sentiment de sécurité interne. Lorsque celui-ci est insuffisamment développé, l’individu aura beaucoup plus tendance à réagir à des niveaux archaïques, c’est-à -dire en termes dualistes et manichéens, sans pouvoir prendre en compte l’autre ». Il aura tendance à classer le monde sur le mode binaire le bien/le mal, les bons/les méchants, le sain/le malsain… – L’expérience psychique La vie au fondement est interactivité et son mouvement procède par vagues expérientielles. Au contact de l’autre, quelque chose se produit en moi, une sensation émerge. Me voilà engagé dans un processus qui, si je ne le refuse pas, me crée en élargissant ma conscience. Chaque vague expérientielle se déploie elle-même selon un cycle qui comporte trois moments successifs celui du sentir, celui du penser et celui de l’agir. Pour désigner ce dynamisme profond qui, inlassablement, est à l’œuvre dans nos vies, le philosophe et psychanalyste Charles Baudouin a proposé le terme d’ arc réactif »54. Le sentir, c’est l’écoute de ce qui se manifeste dans mon corps dans une situation donnée un besoin, un désir, une émotion… surgissent en moi. Le penser se réfère au processus d’élaboration qui suit cette perception l’attention que j’accorde à mon ressenti, les images qui me viennent à l’esprit, l’appréciation de la situation, l’hypothèse que je me fais sur ce qui est en jeu, le raisonnement que je développe pour comprendre ce qui se passe, le lien que j’établis entre mes manifestations corporelles et le phénomène qui les a déclenchées, le jugement que j’en tire… L’agir apparaît enfin quand la décision se prend je passe à l’ référant à la méthode du Focusing élaboré par Eugen Glending, Andy Fisher subdivise, quant à lui, le processus de la vague expérientielle en sept phases qui forment ensemble une boucle – L’expérience commence par un ressenti par exemple, besoin de se sustenter, désir sexuel, besoin de bouger, de toucher, d’exprimer une émotion, besoin de reconnaissance, envie de créer…– Nous prenons conscience de cette sensation corporelle de ce qui parle en nous. Nous sommes alors tournés entièrement vers nous-mêmes, vers ce qui émerge au-dedans de nous.– Une fois cette prise de conscience réalisée, une fois notre besoin – mais le plus souvent il s’agit de plusieurs besoins à la fois – élucidé, nous nous préparons pour lui répondre. Dans la mesure des moyens à notre disposition, nous nous mobilisons.– Nous passons à l’action. Nous nous engageons dans la résolution du problème que notre besoin provoque dans la situation donnée. Nous sommes alors orientés vers l’extérieur. – Le contact final notre expérience prend sens. Notre besoin trouve sa réponse, notre tension se relâche. Nous sommes changés. – Nous éprouvons un sentiment de satisfaction. Nous assimilons la nouvelle expérience, nous en comprenons sa signification. Ce cycle expérientiel, auquel on donne parfois le nom de gestalt » ce qui, nous l’avons vu, signifie forme » en allemand est loin de coller à toutes les conduites. Parfois les perceptions n’aboutissent nullement à l’élaboration d’une action. Chez certaines personnes, par exemple, elles sont l’occasion de ruminations » interminables et stériles. Au contraire, il arrive qu’elles déclenchent des actes impulsifs. Un conducteur qui, au dernier moment, aperçoit un obstacle sur sa route réagira instinctivement par un mouvement d’évitement. Cette fois, la phase de traitement de l’information est totalement moment de la prise de conscience du ressenti et la phase d’élaboration qui s’en suit sont essentiels pour la vie psychique. La phase d’élaboration proprement dite est sujette à de nombreuses variances selon notre histoire, nos souvenirs, nos apprentissages cognitifs, notre représentation de nous-mêmes, nos acquisitions culturelles… Là s’inscrit toute la spécificité humaine. La prématuration » qui affecte le petit d’homme, autrement dit l’inachèvement de son système nerveux à la naissance, associée à une masse neuronique surnuméraire, a pour conséquence de donner une place déterminante à l’environnement humain, à la culture. En fonction des relations tissées avec les proches et la société, les connexions neuronales vont se faire, permettant ainsi le processus d’ comment Antonio Damasio en arrive à décrire les êtres humains Il s’agit d’organismes se trouvant à la naissance dotés de mécanismes automatiques de survie, et qui acquièrent par l’éducation et la culture un ensemble de stratégies supplémentaires, désirables et socialement acceptables, leur permettant de prendre des décisions. Ces stratégies, à leur tour, augmentent leurs chances de survie, améliorent remarquablement la qualité de celle-ci, et fournissent la base de la construction de la personne55. » On voit ainsi combien l’interaction entre l’enfant et son entourage proche, et à travers lui avec toute la culture, joue un rôle extrêmement important dans sa maturation. Ce processus très actif dans le jeune âge se poursuit en fait toute la vie. Suivant son déroulement, suivant que le degré de maturité atteint sera plus ou moins grand, la capacité de prise de recul, de réflexion et d’analyse lors de chaque vague expérientielle sera différente. Selon les acquis culturels, la phase d’élaboration aura parfois tendance à se réduire à portion congrue le penchant est alors de passer très vite de la sensation à l’action, en suivant des certitudes toutes faites, un prêt-à -penser simplificateur, une vision selon le mode binaire, qui reposent sur des fonctionnements archaïques où il n’y a pas de place pour le raisonnement complexe. Quand les conditions familiales n’ont pas permis l’installation véritable d’un sentiment de sécurité interne, l’espace psychologique reste étroit et la personne adhère facilement aux grilles de lecture collective qui manquent de l’inverse, la phase d’élaboration gagne en épaisseur lorsque nous sommes ouverts à l’altérité, capables par conséquent de tenir compte des différents éléments en présence et des besoins qui se manifestent en nous. Alors, elle donne lieu à des réponses parmi les plus adaptées à la complexité des situations. Faire face à cette complexité extérieure des situations demande une capacité d’accueil de notre complexité interne. Celle-ci provient du fait que, très souvent, plusieurs besoins s’expriment en nous au même moment, plusieurs tendances se manifestent tout à la fois. Par exemple, nous pouvons avoir besoin de nous sentir reconnus par nos pairs tout en nous sentant en désaccord avec eux. Nous nous sentirons alors tiraillés entre deux attitudes possibles nous conformer à leur manière de faire et de penser ou, au contraire, nous désolidariser d’eux. Savoir jongler avec cette complexité interne dépend étroitement du processus d’humanisation, dit aussi processus d’individuation, qui a été et qui continue à être le nôtre en fonction des relations que nous avons nouées au cours de notre vie et que nous nouons encore avec notre entourage. C’est cette aptitude qui nous ouvre à la complexité externe et nous permet d’accéder à des grilles de lecture de ce notre psyché dépend en grande partie de processus archaïques, si nous n’avons pu développer un sentiment de sécurité interne suffisamment fort, cet accès reste barré. Lorsque nous sommes sous l’influence prédominante de ce mode de fonctionnement primaire et nous pouvons y revenir à tous moments lorsque les conditions extérieures deviennent menaçantes ou quand les conditions sociales nous y poussent, nos modes de pensée sont de l’ordre de la lorsque nous ne vivons plus en mode de survie, quand nous pouvons nous sentir suffisamment en sécurité pour nous ouvrir à l’autre à l’extérieur, ainsi qu’à la subtilité de tous ces autres » qui sont à l’intérieur de nous – toutes ces tendances diverses qui se manifestent à partir de notre être corporel -, alors nous pouvons reconnaître et tenir ensemble les contradictions apparentes et accéder à une pensée complexe. Pour en revenir à la relation Homme-Nature, il apparaît que nos représentations sont donc en lien direct avec le chemin de maturation qui vient d’être décrit.– Dans la vision purement anthropocentrique, par exemple, place est faite surtout aux besoins de sécurité posséder pour ne pas manquer, pour ne pas se retrouver démuni et aux envies d’avoir une vie matérielle plus confortable. Nous nous trouvons à un niveau égocentrique, qui manque d’ouverture à l’altérité, au non-humain et même bien souvent aux humains. Les autres besoins, de contact avec le monde, mais aussi de reconnaissance de notre nature propre – écoute des signaux qui viennent de notre corps -, en somme de prise en compte de l’autre en nous, sont en partie négligés. Ce qui a pour conséquence de mettre à mal les processus d’élaboration nécessaires dans notre relation à la nature. Il en résulte des réponses forcément simplistes l’homme d’un côté et la nature de l’autre, à sa disposition.– Dans la vision biocentrique, la souffrance que la destruction de la vie autour de nous provoque est entendue. Mais, elle déclenche une réaction qui entraîne le pendule à l’opposé. Il semble essentiel de donner toute sa valeur au vivant. Mais que représente exactement celui-ci ? Que projetons-nous sur lui ? N’y a-t-il pas là non prise en compte cette fois de l’altérité de l’homme ? Accorder de l’importance à chaque être vivant quel qu’il soit risque de nous conduire à laisser de côté certaines nécessités liées à notre espèce humaine, en particulier les problèmes sociaux. Là encore, les réponses risquent d’être simplistes, par défaut du processus d’élaboration de l’interdépendance.– Dans la vision écocentrique, la compréhension du vivant est davantage développée, avec ses mécanismes d’interrelation systémiques. Cependant, cette approche a ses limites. Le système ayant une sorte de valeur absolue, on néglige ses évolutions possibles en fonction des mutations des individus ou des écosystèmes qui l’englobent. Préserver une intégrité et une stabilité particulière implique d’intervenir. Ne pas le faire implique d’abandonner le processus à lui-même et d’accepter des modifications irréversibles, même si c’est à long terme56. » Ici, on a affaire à une difficulté pour accepter l’altérité dans sa radicalité.– Dans la vision multicentrique, l’altérité des écosystèmes, des systèmes et des individus qui les composent est reconnue en tant que telle. La mise en pratique de cette vision n’est pas aisée. Elle repose sur la maturité des individus, leur capacité de dialogue, de compréhension de l’autre, de mise à plat des situations problématiques plutôt qu’à un recours à des solutions rapides. Si nous voulons éviter les cataclysmes, il nous faut donc mettre en œuvre des mesures favorisant le développement vers la maturité de chaque individu, favorisant également le changement de nos paradigmes au niveau de la communauté ainsi que le fonctionnement de nos institutions. Patrick Guérin et Marie Romanens mars 2015 Haut [1] Andy Fisher, Radical ecopsychology, Psychology in the service of life, State University of New York Press, 2002, p. 31-32 traduction des auteurs.[2] Cf. le concept de pensée complexe Edgar Morin [3] Philippe Descola, Phillipe Descola, Par-delà nature et culture, Gallimard, 2006, p. 15.[5] Andy Fisher, Radical ecopsychology, Psychology in the service of life, State University of New York Press, 2002, p. 99 traduction des auteurs.[6] Ibid., p. 95.[7] Francis Hallé, Plaidoyer pour l’arbre, Actes Sud, 2014, Louis Espinassous, Besoin de nature, Editions Hesse, 2014, p. ?[9] Gérald Hess, Ethiques de la nature, PUF, 2013, p. 30.[10] D’après Thinès-Lemp, 1975. Guillaume Carron, La désillusion créatrice Merleau-Ponty et l’expérience du réel, MétisPresses, 2014, p. 18 et 19.[13] Ronald Bonan, Apprendre à philosopher avec Merleau-Ponty, ellipses, 2010, p. 176.[14] Francis Hallé, Plaidoyer pour l’arbre, Actes Sud, 2014, Andy Fisher, Radical ecopsychology, Psychology in the service of life, State University of New York Press, 2002, p. 58 traduction des auteurs.[16] La méthode IV. Les idées leur habitat, leur vie, leurs mœurs, leur organisation, Seuil, Paris, 1991, Andy Fisher, Radical ecopsychology, Psychology in the service of life, State University of New York Press, 2002, p. 95 traduction des auteurs.[18] La forêt boréale, l’éco-conseil et la pensée complexe. Comprendre les humains et leurs natures pour agir dans la complexité, Editions universitaires européennes, 2011, p. 83. A noter que cette description des différentes visions de la relation Homme-Nature par Nicole Huybens diverge de établie par Gérald Hess concernant les postures morales que l’on peut adopter en éthique environnementale théocentrisme, anthropocentrisme, pathocentrisme, biocentrisme, écocentrisme. Cf. Gérald Hess, op. cit.[19] Ibid., p. 84[20] Ibid., p. 85[21] Voir Marie Romanens, Les retombées du romantisme à la découverte des continents oubliés » et Pierre Hadot, Le voile d’Isis, Gallimard, 2004.[22] Nicole Huybens, op. cit., André Beauchamp, Introduction à l’éthique de l’environnement, Montréal Paris, Editions Paulines, Médiaspaul, 1993. Cité par Nicole Huybens, op. cit., Ibid. Cité par Nicole Huybens, op. cit., Pierre Hadot, Le voile d’Isis, Gallimard, 2004, Wikipedia.[27] André Beauchamp, Introduction à l’éthique de l’environnement, Montréal Paris, Editions Paulines, Médiaspaul, 1993. Cité par Nicole Huybens, op. cit., Télérama, n° 3392, 17-23 janvier 2015.[29] Almanach d’un Comté des Sables, Flammarion, 2000, p. ?[30] Suzuki, D ; & Mcconnell, A. 2003 L’équilibre sacré Redécouvrir sa place dans la nature Québec, Fides, cité par Nicole Huybens, op. cit. Nicole Huybens, op. cit., p. 94.[32] Nicole Huybens, op. cit., p. 95.[33] L’almanach d’un Comté des Sables, Flammarion, 2000, p. ?[34] Voir Marie Romanens, Les retombées du romantisme à la découverte des continents oubliés » et Pierre Hadot, Le voile d’Isis, Gallimard, 2004.[35] Jean-Claude Génot, Plaidoyer pour une nouvelle écologie de la nature, L’Harmattan, 2014, p. 50.[36] Edgar Morin, La méthode II La vie de la vie, Paris, Seil, 1980, p. 96-97.[37] Nicole Huybens, op. cit., p. 99.[38] Ibid.[39] Edgar Morin, La méthode II La vie de la vie, Paris, Seuil, 1980, p. 97.[40] Nicole Huybens, op. cit., p. 100.[41] Ibid., p. 101.[42]Ibid., p. 102.[43] Ibid., p. 103.[44] Ibid., p. 105.[45] Les trois cerveaux de l’homme, Laffont, 1990.[46] Terme utilisé par le psychiatre et psychanalyste Jean Bergeret, La violence fondamentale, Dunod, 1994. [47] Éviter l’anthropomorphisme ne signifie pas qu’il faille s’écarter de la complexe interface que constituent les relations entre les arbres et les êtres humains ; bien au contraire, l’exploration de cette interface étant, je crois, la meilleure manière de saisir la singularité des arbres. » Francis Hallé, Plaidoyer pour l’arbre, Actes Sud, 2014, Janus, 1970, rééd. Calmann-Lévy, 1994[49] Jean-François Dortier, Le mythe des trois cerveaux », Hors-série spécial des Sciences Humaines, n°14, novembre-décembre 2011. L’erreur de Descartes, la raison des émotions, Odile Jacob, 1995, Ibid., p. 170-171.[52] Comme l’écrit Jean-François Dortier Le mythe des trois cerveaux », Hors-série spécial des Sciences Humaines, n°14, novembre-décembre 2011 le modèle de Mac Lean, bien que simple et en partie erroné, a au moins le mérite d’être pédagogique.[53] Martin Buber, Je et Tu, Aubier, 1992, p. 23.[54] Charles Baudouin, De l’instinct à l’esprit, Delachaux et Niestlé, 1970, p. 7 à 18.[55] L’erreur de Descartes, la raison des émotions, Odile Jacob, 1995, Nicole Huybens, op. cit., p. 96-97. Haut
au nom du corps vivre sa nature